Saturday, December 10, 2005

www.négligence.gc.ca

Malgré un risque réel, aucun des partis fédéraux ne propose une vraie politique de prévention du terrorisme

Mathieu Laberge
Détenteur d’une maîtrise en économie de l’Université de Nottingham, en Angleterre, et ancien vice-président de la Fédération étudiante collégiale du Québec.

Encouragés par l’instabilité du gouvernement minoritaire de Paul Martin, les élus de la Chambre des Communes ont eu tôt fait de balayer sous le tapis le débat sur les mesures à adopter pour protéger les citoyens canadiens d’une attaque terroriste. Alors que les électeurs sont appelés aux urnes, les quatre partis politiques principaux continuent d’ignorer l’éminence de la menace qui pèse sur le pays: aucun d’entre eux n’a fait de la prévention du terrorisme un dossier important de leur programme. L’actuelle campagne électorale doit donner lieu à un débat qui permettra d’assurer à la population canadienne le leadership auquel elle est en droit de s’attendre de ses dirigeants.


Menace concrète…

À l’heure actuelle, on sent que plusieurs politiciens profitent du mythe voulant que l’absence du Canada en Irak suffira à se soustraire à la menace terroriste pour éviter ce sujet politiquement casse-cou. Pourtant, une telle compréhension des événements fait complètement fi de la continuité historique dans laquelle s’inscrit l’actuelle vague de terreur. Depuis plus de 50 ans, les groupes terroristes ont toujours trouvé de nouvelles raisons pour justifier leur guerre idéologique contre l’Occident, sans distinction entre les « bons » et les « méchants ». Avant la guerre en Irak, il y avait le conflit israélo-palestinien. Auparavant, il y a eu la période de décolonisation des années 1950, et ainsi de suite.

Les exemples concrets de la menace qui pèse sur le Canada n’ont d’ailleurs pas manqué au cours des dernières semaines. Presque simultanément, deux Canadiens ont été pris en otage à Bagdad et une perquisition a permis de découvrir des plans du métro de Montréal dans les ordinateurs personnels de présumés terroristes. Que le Canada n’ait pas participé à la guerre en Irak ou que les informations découvertes lors de la perquisition aient été de nature publique importe peu. Les deux événements, survenus le mois dernier, sont venus rappeler la volonté des terroristes d’atteindre la population canadienne. Sans compter qu’Al Qaeda elle-même a annoncé – dans deux communiqués successifs, un en 2003 et l’autre l’été dernier - que le Canada représentait un objectif stratégique établi.


… Négligence réelle

Mais il y a pire! Il y a moins de dix mois, la Vérificatrice générale du Canada annonçait avoir « relevé de graves faiblesses dans les programmes de protection civile et dans certains volets de la sûreté du transport aérien. » Elle déplorait notamment l’absence d’uniformisation dans le matériel destiné à la protection de la population et l’inexistence d’une politique intégrée de prévention du terrorisme. Ce chapitre du rapport de Sheila Fraser a d’ailleurs fait l’objet d’une étude approfondie par le Comité permanent des comptes publics où tous les partis sont représentés. Des deux côtés de la Chambre, l’ignorance est difficile à plaider!

Pourtant, un rapide tour d’horizon des sites web des quatre partis politiques représentés au Parlement donne une bonne mesure de la négligence dont font preuve ceux qui aspirent aux plus hautes sphères de l’État canadien. Les Libéraux se limitent à faire le bilan des actions passées du gouvernement sortant et le NDP ignore complètement l’enjeu de la prévention du terrorisme. Seuls le Bloc Québécois et le Parti Conservateur ont fait connaître un semblant d’engagement électoral sur le sujet. Dans le premier cas, il s’agit toutefois de verbiage insignifiant sur le rôle de l’ONU et dans le second d’une proposition vieille de juillet dernier visant à instaurer un poste de commissaire à la sécurité nationale. Bref, quelle que soit l’issue du vote, la sécurité des Canadiens ne sera pas mieux assurée au lendemain des élections du 23 janvier.

Il y a deux ans, le débat sur l’éventuelle participation du Canada en Irak s’était transformé en véritable psychodrame. Difficile de comprendre, aujourd’hui, pourquoi les députés qui avaient alors déchiré leur chemise pour débattre de la sécurité intérieure d’un pays étranger n’ont même pas levé le petit doigt pour discuter de la sécurité de leurs propres électeurs. Rien ne peut justifier une telle absence de vision de la part des élus canadiens : le pays ne peut plus se permettre l’économie d’un débat sur les orientations et les mesures concrètes à adopter dans le cadre d’une politique intégrée de prévention du terrorisme. Cette élection doit déboucher sur une solution à ce vide monumental.
QU'EN PENSEZ-VOUS?

2 comments:

lecentre said...

Je te felicite sur tes propos intelligents et incisifs. Je remarque aussi que j'ai tenu plus ou moins les memes propos il y a deja quelques jours ;) : www.centrerion.blogspot.com
De toutes les facons, c'est que cette idee se fasse entendre pas nos politiciens, et de toute evidence, tu as mieux contibue a ce faire de par ton article d'aujourd'hui.
On another note, if we linked our blogs, I think that'd be nice.

Anonymous said...

Gille Duceppe s'oppose aux certificats de sécurité, sans doute pour s'attirer le vote musulman mais surtout pour assouvir l'Anti-américanisme primaire qui anime le mouvement souverainiste. Beaucoup de Québécois croient qu'en nous séparant, nous montrerons notre rejet de l'impérialisme américain et gagnerons ainsi la sympathie des islamistes radicaux. Le texte de M. Laberge a le mérite de démontrer la naïveté de cette croyance...


Germain

P.S.:Désolé si vous recevez ce commentaire une deuxième fois mais puisque vous dites n'avoir eu qu'un commentaire positif (probablement celui de Lecentre) je vous réenvoie celui-ci, aussi positif