Monday, March 06, 2006

Comptabilité électorale

Le gouvernement adopte une attitude nuisible pour plaire à tous prix à l’électorat

MATHIEU LABERGE
Professeur au Collège Gérald-Godin et détenteur d’une maîtrise en économie internationale de l’Université de Nottingham, en Angleterre

Jacques Parizeau considérait que le problème d’engorgement du réseau de soins de santé relevait d’un financement public insuffisant. Lucien Bouchard l’attribuait plutôt à une mauvaise gestion des ressources. Sous l’impulsion de la Cour Suprême, voilà que le gouvernement Charest est forcé de reconnaître une autre cause : l’absence de support privé aux institutions publiques. Malheureusement, la solution apportée par le ministre Couillard est inappropriée et répond plus à des impératifs politiques qu’à la nécessaire prise en main que requiert le réseau public de santé.

Effectivement, on peut douter de l’efficacité de cette nouvelle mesure qui s’apparente à poser un minuscule pansement sur une jugulaire sectionnée. En garantissant des délais d’attente maximaux pour seulement trois types de chirurgies électives, lire non-urgentes, le gouvernement ne change rien de fondamental, ni même d’important. Reconnaissons-le : peu de patients ont perdu la vie suite à une cataracte ou à une hanche ou un genou mal amoché. Le droit à la vie, qui constitue la base de la décision des juges, ne sera pas mieux garanti après cette « réformette d’apparat » qu’avant.

Le gouvernement a le devoir de s’assurer que tous ont accès aux soins de santé que leur état requiert, mais tant que les patients ne seront pas sensibilisés à la valeur réelle des soins qu’ils reçoivent, les listes d’attentes interminables persisteront. Dans les années 1990, Pauline Marois avait d’ailleurs été condamnée au bûcher du sacro-saint modèle québécois pour avoir évoqué l’idée même d’imposer des tickets modérateurs ou de publiciser le coût réel des actes médicaux. Contrairement à l’initiative Couillard, ses solutions étaient pourtant innovantes et répondaient adéquatement à la véritable problématique.

En matière de soins de santé, les solutions possibles sont d’ailleurs légion. Le Royaume-Uni, par exemple, a su allier l’action du secteur public en santé à l’efficacité du système privé. De 1970 à 1996, les plans d’assurances-santé privés ont proliféré, la proportion de bénéficiaires triplant en 25 ans, atteignant jusqu’à 10,8% de la population selon l’Observatoire Européen sur les Soins de Santé. De ce nombre, près de 70% des bénéficiaires profitaient d’une assurance-santé fournie par leur employeur ou leur association professionnelle. Les assureurs privés ont apparemment su adapter leurs produits aux besoins de leurs clients de sorte à compléter le régime public de soins de santé. C’est ainsi que plusieurs assurances collectives en sont venues à offrir une couverture privée pour des soins que le gouvernement ne pouvait fournir dans des délais acceptables. Les plus grandes compagnies d’assurance britanniques disposent d’ailleurs d’importants réseaux d’hôpitaux privés qui répondent à ces besoins. Par ailleurs, le gouvernement anglais a également favorisé le développement et la diffusion de classements des hôpitaux selon la qualité des services qui y sont dispensés et la longueur des listes d’attente auxquelles ils sont confrontés. Tout porte à croire que ce type d’interventions mérite d’être étudié puisque selon les sondages de l’Observatoire, les Britanniques ne perçoivent pas les soins privés comme étant de qualité supérieure, mais comme étant simplement plus rapides.


En mode électoral
Avec un peu de volonté politique, il aurait été possible pour le gouvernement libéral d’insuffler une vision complètement nouvelle des services de santé au Québec. En lieu et place d’une véritable réforme, il a plutôt répondu aux impératifs de la saison pré-électorale qui s’enclenche et a tenté de se faufiler dans les mailles du filet du jugement de la Cour Suprême. Cette attitude de haute voltige de marketing électoral, dans un dossier aussi primordial que les soins de santé, est évocatrice de la volonté du gouvernement Charest de plaire coûte que coûte à l’électorat. Il va sans dire qu’elle est nuisible lorsque vient le temps de régler des problèmes qui demandent une vision à plus long terme que la gestion des intérêts partisans.

Et voilà que le premier ministre promet maintenant d’apporter sa solution « maison » au problème de la dette du Québec, dont la dimension intergénérationnelle interdit toute réflexion basée sur le court terme. Ce dossier risque-t-il aussi d’être emporté dans la vague déferlante des manœuvres électoralistes? À la lumière des événements des derniers jours, est-il vraiment rassurant de voir Jean Charest s’y intéresser? Si le gouvernement applique à la dette la même logique qu’il a appliquée à la santé, on n’est pas sorti de l’auberge!

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3 comments:

lecentre said...

Salut M. Laberge,
Je pensais que tu aimerais savoir que tu as ete inclu dans mon 'carnival' de politiques moderees et centristes: le Cirque des moderes.

lecentre said...

Si j'ai fait allusion a l'education, c'etait un glissement freudien. Je sais bien que cet article discute de la sante et des domaines publiques et prives.

lecentre said...

Ah, je vois que j'ai fait erreur... 'never mind' comme on dit en Anglais.