Friday, May 14, 2010

Contribution santé: ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain

voici un texte que j'ai publié aujourd'hui sur cyberpresse
Dans les suites du budget Bachand, on a fait grand cas du caractère régressif de la contribution santé, ce montant forfaitaire qu'une grande majorité de Québécois devront payer pour financer les services de santé. Profitons de l'accalmie sur ce front pour faire le point froidement sur cette nouvelle perception fiscale tant décriée. D'autant plus que ses impacts les plus importants pourraient bien être positifs... et n'avoir que peu à voir avec la progressivité du système fiscal québécois.

Vraie, la contribution santé est régressive. Mais elle ne constitue qu'une mesure fiscale dans tout un système qui atteint généralement bien ses objectifs de redistribution. Le coefficient de Gini permet d'évaluer l'égalité de la distribution des revenus: plus il est bas, plus les revenus sont distribués également. Pour une famille québécoise de deux personnes avec deux enfants, le coefficient de Gini du revenu après impôts (et transferts) est 25% inférieur à celui du revenu de marché (avant impôts et transferts). Pour les personnes seules, cet écart est encore plus important. C'est donc dire que le système fiscal québécois contribue à redistribuer la richesse. Cette redistribution se fait même mieux ici qu'ailleurs au Canada.

La contribution santé ne changera pas fondamentalement les sources de financement du système de santé non plus. Avant l'implantation de la franchise, les impôts représentaient 53% du financement de la santé, les taxes à la consommation représentaient 25% de celui-ci et les autres revenus autonomes représentaient 22%. Après l'implantation de la contribution, la part respective de chacune des perceptions fiscales précédentes aura passé à 51%, 25% et 21%. La contribution ne représentera que 3% des coûts du système de santé.

Les vrais changements seront plus fondamentaux
Les apports majeurs de la contribution santé sont donc tout autre. Ceux-ci pourraient d'ailleurs modifier fondamentalement et positivement notre façon de concevoir le financement des services de santé.

D'abord, les sommes perçues en vertu de cette contribution seront dédiées au financement des institutions de santé. Cette façon de faire est en quelque sorte une assurance de traçabilité pour le contribuable: il pourra savoir ce qui advient de ce qu'il a payé. Si les sommes ne sont pas utilisées à bon escient, il pourra également sanctionner le gouvernement qui aura éventuellement manqué à cet engagement. Actuellement, peu d'autres formes de perception fiscale donnent une telle transparence puisque leurs recettes sont versées au fonds consolidé, le «compte bancaire avec opération» du gouvernement québécois.

De plus, le financement accru provenant de la contribution santé sera redistribué aux institutions en fonction de leur productivité et de leur atteinte de résultats. Cela fera en sorte que les institutions de santé qui ont innové pour améliorer leur gestion et mieux performer seront récompensées. On peut espérer qu'il y aura donc une «course à l'amélioration» entre les centres hospitaliers pour mettre la main sur ce nouveau financement. À terme, l'innovation qui en découlera profitera à tout le réseau puisque les meilleures pratiques de gestion seront ainsi valorisées.

En somme, on aura beau rouspéter contre cette nouvelle perception fiscale et son caractère régressif, il faut bien reconnaître qu'elle a aussi des éléments positifs pour les contribuables. Elle permettra une meilleure transparence dans le financement de nos institutions de santé, une meilleure reddition de compte de nos élus et une émulation sur les meilleures pratiques de gestion des centres hospitaliers. Pour toutes ces raisons, il faudrait donc l'aborder froidement et éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain.

Monday, February 01, 2010

Les baby-boomers: source du problème ou partie de la solution?


Bien que la plupart des économies occidentales seront touchées par un vieillissement de leur population, celle-ci sera plus rapide au Québec que dans les autres provinces canadiennes et que dans plusieurs pays occidentaux.

D’ici 2012, plus de 700 000 emplois devront être comblés au Québec. Au même moment, la population de 20 à 64 ans commencera à diminuer à mesure que les baby-boomers vieilliront. C’est donc dire qu’alors que de nombreux emplois seront disponibles, les travailleurs pour les combler seront de plus en plus rares.
Les conséquences de cette diminution du nombre de travailleurs sont nombreuses. Avec moins de travailleurs, il sera plus difficile de maintenir le niveau de croissance économique de la province. De fait, on prévoit que la croissance économique pourrait passer en dessous de sa moyenne historique au cours des prochaines années. Cela implique une stagnation, voire une lente diminution, du niveau de vie des Québécois. Les finances publiques s’en ressentiront également : si rien n’est fait, on prévoit des déficits structurels croissants d’ici à 2020. Et c’est sans compter les déficits conjoncturels découlant de la récession de 2008-2009.
Pas de solution miracle
Plusieurs solutions ont été avancées pour faire face au déclin du nombre de travailleurs au Québec. Par exemple, une hausse de la productivité de la main d’oeuvre pourrait contribuer à contrer l’effet négatif de cette diminution sur la croissance économique. Néanmoins, il est peu probable que la hausse de la productivité soit suffisante pour contrebalancer complètement l’effet du vieillissement de la population1.
De même, la hausse du niveau d’immigration pourrait constituer une réponse partielle au problème de diminution du nombre de travailleurs québécois. Celle-ci ne pourrait toutefois répondre entièrement au problème étant donnée l’existence de barrières à la mobilité de la main d’oeuvre et la nécessité d’assurer l’intégration des nouveaux arrivants sur le marché de l’emploi.

Finalement, la hausse de la natalité est une solution envisageable, mais à long terme uniquement. De fait, les enfants nés en 2010 n’intégreront le marché de l’emploi qu’entre 2025 et 2030. Étant donné l’imminence du déclin du nombre de travailleurs, la hausse de la natalité est donc une option imparfaite.
Accroître la participation des aînés au marché de l’emploi
Une dernière solution mérite d’être considérée. Il s’agit d’augmenter la participation des personnes de 55 ans et plus au marché du travail.

À l’heure actuelle, l’âge moyen de la retraite des Québécois est de 59 ans pour les femmes et de 61 ans pour les hommes. Cela est plus tôt que l’âge moyen de la retraite des Ontariens. De même, une plus faible proportion des Québécois de 55 ans et plus sont actifs sur le marché de l’emploi. Le taux d’activité des Québécois diminue d’ailleurs rapidement avec l’âge à partir de 50 ans.

Pour compenser complètement l’effet du vieillissement de la population sur la croissance économique, on estime qu’il faudrait pratiquement doubler le taux d’activité des personnes de 60 à 64 ans et augmenter celui des personne de 65 ans et plus. Alternativement, on pourrait tenter d’accélérer la tendance à la hausse du taux d’activité des personnes âgées et des femmes.

Il va sans dire que cette solution doit être appliquée de concert avec celles abordées précédemment. Pour lui assurer une chance minimale de succès, elle doit également s’implanter sur une base volontaire : on doit permettre aux gens qui le souhaitent de pouvoir travailler plus longtemps et non les obliger à le faire.
Cela passe notamment par des clauses de retraites plus souples au niveau des fonds de retraite, par une fiscalité qui encourage le maintien en emploi et la retraite progressive, par une lutte aux préjugés qui touchent les travailleurs âgés ainsi que par une meilleure coordination des programmes de réinsertion offerts aux personnes du troisième âge.
Pour y arriver, il faudra que les associations patronales, les syndicats, les associations professionnelles et l’État Québécois collaborent pour lever les freins au maintien et au retour en emploi des personnes âgées. Plusieurs pays ont adopté le virage du « vieillissement actif ». Dans les cas couronnés de succès, c’est la concertation et la mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés qui a permis d’arriver à un résultat.
Pour de plus amples renseignements, veuillez consulter le rapport de projet à l’adresse suivante :
http://www.cirano.qc.ca/pdf/publication/2010RP-01.pdf

Sunday, January 31, 2010

BABY-BOOMERS: SOURCE OF THE PROBLEM OR PART OF THE SOLUTION?

While much of the western world will experience an aging of the population, Quebec will be affected sooner than other Canadian provinces and many developed nations.

There will be 700 000 jobs to fill in Quebec by the year 2012. At the same time, the population aged 20 to 64 will begin to shrink as baby boomers age. This means that, while there will be many jobs, the workers required to fill them will be in short supply.

This decline in the number of workers has a number of consequences. It will be difficult to sustain the province's growth rate with fewer workers. In fact, we foresee the rate of growth of the economy dropping below its historic mean in the next few years. This implies a standard of living for Quebeckers that is stagnating, even declining. Government finances will also feel the pinch: If nothing is done, forecasts are for burgeoning structural deficits leading up to 2020, not to mention cyclical deficits resulting from the recession of 2008–2009.
No panacea
Several solutions have been proposed to counteract the fallout of the decline in the number of workers in Quebec. Increasing immigration could provide a partial response to the problem of Quebec's shrinking workforce. However, barriers to labour mobility and the need to integrate new arrivals into the labour market undermine the potential contribution of this avenue.

Finally, a higher birthrate might offer a solution, but only in the long term. Children born in 2010 will only enter the labour market between 2025 and 2030. In light of the imminence of the labour shortage, this option is of little help.

Increasing the participation of the elderly in the labour market
Finally, one more solution that merits consideration is boosting the labour market participation rate of individuals aged 55 and older.

Currently, the average retirement age in Quebec is 59 years for women and 61 for men. This is younger than the corresponding value for Ontario. Similarly, a smaller proportion of Quebeckers aged 55 and over are active on the labour market. The labour force participation rate of Quebeckers falls off rapidly as of age 50.

In order to completely offset the impact of the aging population on economic growth, we estimate that it would be necessary to virtually double the participation rate of individuals aged 60 to 64 while raising the rate of those aged 65 and over. Alternatively, would could strive to accelerate the upward trend in the participation rate of the elderly and of women.

Clearly, this solution must be implemented in conjunction with the previously mentioned measures. To ensure at least a modicum of success, implementation must also rely on voluntary participation: We must smooth the path for those who wish to work longer; not coerce the participation of the unwilling.

Specific initiatives could include more flexible retirement provisions at the level of pension funds, a tax system that rewards staying at work and progressive retirement, measures to combat prejudices against older workers, and a better coordination of reintegration services offered to the elderly.

To achieve this, it will be necessary for employers' organizations, unions, professional associations, and the government of Quebec to join forces to dismantle the barriers in the path of the elderly seeking to stay at work or return to work. Several countries have already embraced the paradigm of "active aging." Where those efforts have been crowned with success, it has been credited to the coordination and mobilization of all affected players.
For more information, please consult the project report link:
http://www.cirano.qc.ca/pdf/publication/2010RP-01.pdf

Monday, December 14, 2009

Environnement : sans système de prix efficace, point de salut

Nathalie de Marcellis-Warin
Professeure à l’École Polytechnique et Vice-présidente Risque et Développement durable CIRANO

Mathieu Laberge
Économiste et directeur de projet CIRANO

Nul ne doute que d’ici la clôture du Sommet de Copenhague, le 18 décembre, les leaders mondiaux prendront de nombreux engagements en faveur de l’environnement et contre les changements climatiques. Or, comme l’ont démontré les suites du protocole de Kyoto, en l’absence d’unanimité sur les moyens à prendre, le résultat obtenu est souvent loin des engagements. Si l’on souhaite passer de la parole aux actes, il faudra cette fois-ci utiliser les systèmes de prix comme solution environnementale.

Il existe deux moyens pour intégrer le coût de la pollution dans les prix auxquels les entreprises et les consommateurs font face. Le gouvernement pourrait contraindre les entreprises à acheter des crédits de carbone en imposant par voie réglementaire la « carboneutralité » à leur processus de production. Alternativement, il pourrait percevoir une taxe sur les émissions polluantes. Les recettes de cette taxe serviraient à acheter des crédits de carbone.

Chaque approche a ses forces et ses faiblesses. Néanmoins, dans les deux cas, l’effet est le même : la demande pour les crédits de carbone augmenterait, ce qui aurait pour effet d’en augmenter le prix sur les marchés internationaux. Ceci inciterait les entreprises à choisir des modes de production qui respectent l’environnement afin de minimiser la hausse de leurs coûts de production liée à l’achat de droits de polluer. Ces mécanismes de prix rendraient donc les alternatives écologiques plus attrayantes pour les entreprises.

Puisqu’ils sont les utilisateurs finaux des matières polluantes qui entrent dans la composition de leurs biens, les consommateurs auront nécessairement à assumer une part de ce coût supplémentaire. Cette hausse de prix les encouragerait cependant à modifier leurs choix de consommation vers des produits ou des modes de production plus écologiques. Les entreprises seraient conséquemment incitées à offrir des produits qui répondent aux attentes de leurs clients, tant en matière de prix que de rendement environnemental. D’un cercle vicieux de la dépendance aux modes de production polluants, on passerait ainsi à un cercle vertueux de la responsabilité environnementale.

Tirer les leçons de Kyoto
À l’égard de l’impact environnemental des mécanismes de prix, Copenhague semble être l’occasion d’apprendre des erreurs du protocole de Kyoto. Les objectifs de Kyoto ont tenté d’être réalisés par la mise en place de deux grandes catégories de moyens : l’adoption de standards environnementaux dans la réglementation et les campagnes de sensibilisation misant sur des mesures volontaires. Ces deux moyens proposent une réponse parfois efficace mais toujours partielle en l’absence de l’internalisation des coûts de la pollution dans le système de production.
Les mécanismes de compensation des émissions de gaz carbonique en sont une bonne illustration. Ceux-ci permettent de payer pour financer des initiatives de réduction des gaz à effet de serre et ainsi rendre certaines activités polluantes « carboneutres ». Leur caractère volontaire montre toutefois leurs limites. Plusieurs organismes proposent des services de compensation pour l’utilisation des voitures, des vols en avion et des systèmes de chauffage au mazout. Pourtant, combien d’automobilistes, de voyageurs et de propriétaires de maisons chauffées au mazout utilisent ces services?

Sans changement dans le prix des matières polluantes et sans l’internalisation des coûts de pollution, il y a fort à parier qu’il n’y aura pas de changement dans le comportement des entreprises et des consommateurs. Espérons donc que Copenhague sera un Kyoto où l’unanimité régnera et où ce qui manquait dans le protocole précédent sera inclus dans la nouvelle entente: l’utilisation du système de prix comme incitatif le plus efficace pour réaliser des engagements environnementaux audacieux.

Wednesday, September 09, 2009

Bons constats, mauvaises solutions: l'industrie forestière en question

Voici une Note CIRANO que j'ai publié récemment.

Pendant longtemps, on a considéré dans certains milieux que seule une diminution du volume de coupes pouvait limiter les conséquences environnementales de l’exploitation forestière. L’évolution récente des produits développés dans certains secteurs de l’industrie démontrent qu’il est désormais possible d’utiliser à meilleur escient la ressource et de minimiser le gaspillage qui était autrefois associé à son exploitation. Cette évolution laisse donc entrevoir une alternative à la réduction du volume de coupes. (Source de l'image: www.lesaffaires.com)

DES ALTERNATIVES TECHNOLOGIQUES
L’émergence du secteur des produits du bois pourrait encourager le développement de nouveaux produits mieux adaptés aux demandes des consommateurs. Ces produits sont souvent composés de matières qui autrefois étaient simplement considérés comme des résidus. Par exemple, les produits en bois lamellé-collé, les poutrelles en I, les solives de toit ajourées et les panneaux prémoulés à haute densité sont des produits du bois à haute valeur ajoutée qui peuvent permettre de valoriser une partie de la ressource qui serait gaspillée autrement.


De son côté, l’industrie des pâtes et papier devra identifier de nouveaux créneaux technologiques de développement, notamment dans les domaines des biotechnologies et des nanotechnologies, pour assurer sa relance. Dans le premier cas, on peut penser à des initiatives de cogénération d’énergie où la vapeur créée en brûlant des matières résiduelles comme l’écorce des arbres permettrait à la fois d’alimenter une turbine de production électrique et les séchoirs de pâtes à papier. Dans le cas des nanotechnologies, l’exemple le plus évocateur est l’utilisation des nano-fibres issues de la cellulose du bois pour renforcer les plastiques. Celles-ci pourraient par exemple remplacer la fibre de verre dans la fabrication de pare-chocs automobile. À terme, certaines usines de pâtes et papiers pourraient se transformer en bio raffineries qui produiraient des nano-fibres de cellulose, qui offrent un rendement très élevé. Les résidus, des sucres et de la lignine, pourraient être utilisés pour fabriquer du méthanol et des abat-poussière routiers.



UNE ÉVOLUTION HÉTÉROGÈNE
Cette transformation de l’offre de produits du bois se traduit dans les indicateurs économiques de chaque segment de l’industrie. Ainsi, le secteur des produits du bois a connu une hausse de 2,3 % de la valeur de ses livraisons et de 6,1 % de sa valeur ajoutée par année, depuis 2000. Cela s’est accompagné d’une hausse de la productivité et de l’emploi, ainsi qu’une stabilisation des conditions salariales des employés.


Au contraire, le secteur des pâtes et papiers a connu une décroissance rapide de tous ces indicateu
rs au cours des dernières années. Sa valeur ajoutée a connu une diminution annuelle moyenne de 8,7 % et la valeur de ses livraisons a diminué de 4,2 %. Les secteurs du bois d’œuvre et de l’exploitation forestière font plutôt figure de cas mitoyens.

En somme, tous les secteurs de l’industrie forestière ne vivent pas la même réalité. Conséquemment, ils n’ont pas besoin du même support de la part des pouvoirs publics. Bien qu’ils aient connu des difficultés dans le passé, les secteurs de l’exploitation forestière et des produits du bois ont fait des progrès importants. Il semble néanmoins nécessaire de venir en aide aux travailleurs touchés par la crise structurelle dans le secteur des pâtes et papiers ainsi que ceux touchés par la crise conjoncturelle dans le secteur du bois d’œuvre. Ce support ne signifie toutefois pas de maintenir à flot des entreprises qui font preuve d’une incapacité à s’adapter à la nouvelle donne de l’industrie.



UNE AIDE MIEUX CIBLÉE
Alors que la réorganisation dans le secteur des pâtes et papiers est en cours depuis déjà plusieurs années, les gouvernements ont pris prétexte de la récession pour verser de nouvelles aides financières aux papetières et à l’industrie forestière. Pourtant, on peut croire que les interventions gouvernementales n’auront que peu d’impact sur l’issue de la transformation industrielle en cours dans ce secteur. De fait, cette restructuration est nécessaire et elle se poursuivra après la récession, au même titre qu’elle a débuté bien avant celle-ci.


Dans le contexte où les différents secteurs de l’industrie du bois évoluent de façon divergente, un questionnement fondamental se pose en regard des politiques publiques adoptées jusqu’ici. Serait-il plus judicieux d’utiliser les deniers publics pour favoriser la recherche et le développement de nouveaux produits du bois à haute valeur ajoutée? Vaut-il mieux aider une industrie naissante que de maintenir sur le « respirateur artificiel » un secteur incapable de faire face à la concurrence internationale?
Le rapport Bourgogne qui est à l'origine de cette Note peut être consulté au:

Monday, July 27, 2009

Un compromis gagnant-gagnant

voici l'original d'un texte publié aujourd'hui dans La Presse

En échange d'une commission nationale des valeurs mobilières, le Québec devrait négocier de nouveaux pouvoirs avec le fédéral

François Vaillancourt et Mathieu Laberge, les auteurs sont respectivement Professeur au département d’économie de l’Université de Montréal et fellow au CIRANO, et Économiste et directeur de projet au CIRANO

Le gouvernement fédéral continue à progresser dans la mise sur pied d’une commission nationale des valeurs mobilières. Fort de l’appui unanime des parlementaires à l’Assemblée Nationale, le gouvernement du Québec va demander à la cour d’appel du Québec de se prononcer sur la constitutionalité d’une telle mesure. Ce recours du Québec n’étonnerait pas si le parti au pouvoir était souverainiste ou même autonomiste. Cette réaction est plus surprenante venant d’un gouvernement fédéraliste, même si elle constitue le seul moyen d’éviter la marginalisation de la Commission des valeurs mobilières du Québec advenant la création d’un organisme national. Mais est-ce la stratégie la plus appropriée pour défendre les intérêts du Québec dans le cadre fédéral ? Pourquoi ne pas profiter de ce débat pour fonder un nouveau fédéralisme du bon sens économique?

Étant donné le contexte changeant dans lequel évolue le pays, il n’y a pas de raison pour qu’un pouvoir, provincial ou fédéral, le demeure irrémédiablement. Une révision périodique de nos façons de faire, question de savoir si des pratiques valides lors de leur adoption le sont toujours en 2009, s’avèrerait même être un exercice bénéfique. Après tout, c’est un tel réexamen qui a donné plus de pouvoirs au Québec en matière d’immigration, de formation de la main-d’œuvre et de congé parental au cours des dernières années.

Une question de principes… mais lesquels?
Deux principes devraient diriger cet examen. D’abord, il semble raisonnable que le gouvernement le plus proche des citoyens offre les services publics, sauf lorsque des économies d’échelles ou des débordements entre juridictions rendent cette pratique inefficace. Il s’agit du principe de subsidiarité, bien connu dans le domaine du fédéralisme et qui est largement accepté.

Le second principe est moins courant, mais il nous apparaît essentiel pour trouver un compromis à ce différend. C’est celui selon lequel le Québec devrait chercher à accroître ses pouvoirs dans les domaines de compétence pour lesquels la langue joue un rôle crucial. En contrepartie de ce gain, le Québec devrait accepter de céder des pouvoirs dans les domaines où la langue joue un rôle moins décisif. Appelons cela le principe de l’adéquation linguistique des pouvoirs.

Dans le cas précis qui nous intéresse, le système financier canadien et mondial a beaucoup changé depuis 1867. Alors qu’une réglementation provinciale des capitalistes locaux investissant dans des entreprises locales était appropriée en 1959, elle ne l’est plus aujourd’hui. Les investisseurs et leurs capitaux traversent désormais les frontières des États.

Vers un compromis « gagnant-gagnant »
Par conséquent, et suivant les principes que nous avons élaborés plus haut, le gouvernement du Québec pourrait participer à la création d’une commission des valeurs mobilières unique au pays. Il céderait ainsi des pouvoirs dans ce champ de compétence. En contrepartie de cette concession, Ottawa transférerait au gouvernement du Québec des pouvoirs dans des champs de compétence où la spécificité francophone est importante. Par exemple, le gouvernement fédéral pourrait accepter de voir s’appliquer la Loi 101 aux employés québécois œuvrant dans des secteurs sous juridiction fédérale (banques, transports, télécommunications). Alternativement, il pourrait transférer au Québec des responsabilités dans le domaine de la réglementation de la dimension culturelle des télécommunications.

Ainsi, les deux ordres de gouvernements sortiraient gagnants et éviteraient de camper sur leurs positions: Ottawa obtiendrait la création d’une commission des valeurs mobilières nationale et Québec gagnerait des pouvoirs supplémentaires là où il peut réellement faire une différence. En prime, cette solution amènerait le débat sur le plancher des vaches plutôt que de se perdre dans les méandres des débats constitutionnels.

Nous croyons que ce genre d’arrangement concerté sur la base de principes clairs, plutôt qu’en fonction de pouvoirs partagés entre ordres de gouvernement il y a 142 ans, est plus respectueux de l’environnement évolutif propre à une fédération. Reste à voir si chacune des parties en cause saura mettre de l’eau dans son vin pour en arriver à solution véritablement profitable pour les Québécois et pour l’ensemble des Canadiens.

Tuesday, June 23, 2009

Un investissement discutable

voici l'original d'un texte publié ce matin dans La Presse:


François Vaillancourt, Professeur au département d’économie de l’Université de Montréal et fellow au CIRANO


Mathieu Laberge, Économiste et directeur de projet au CIRANO

(Source de l'image: http://canadiens.nhl.com)
Quelques heures après que la rumeur de la vente du Canadien de Montréal à la famille Molson ait été confirmée, on faisait déjà valoir que les acheteurs ne bénéficieraient d’aucun support public pour conclure la transaction, même pas du « prêt avec intérêt » qui leur avait été offert par le gouvernement du Québec. Une transaction 100 % privée, en somme. C’est faux, puisque cette transaction représentera un coût de plusieurs millions de dollars pour l’État québécois.

C’est l’implication du Fonds de solidarité de la FTQ dans le groupe d’acheteurs qui vient troubler les cartes. Pour chaque dollar investi dans le Fonds, l’État québécois offre un crédit d’impôt de 15 cents. Si ce placement est fait sous forme d’une contribution à un REER, la valeur de l’aide fiscale passe alors à 39 cents par dollar investi.


On ne connaît pas encore le montant réel de la transaction, ni la valeur de la participation du Fonds de solidarité dans le montage financier. Néanmoins, si le Fonds contribue 50 millions $, soit 10 % de la somme totale de la transaction estimée par les commentateurs, il en coûtera entre 7,5 et 19,5 millions $ au trésor québécois. Sans compter que les mêmes déductions s’appliquent également au niveau fédéral. Bien que le gouvernement ne fasse aucun versement en argent sonnant et trébuchant, ces mécanismes fiscaux représentent tout de même un coût puisque l’État renonce à percevoir un revenu. On appelle cela une dépense fiscale.


Mission : créer et conserver des emplois?
À l’origine, ce traitement privilégié a été consenti aux actionnaires du Fonds de solidarité parce que l’objectif premier de celui-ci est de «de créer, maintenir ou sauvegarder des emplois au Québec
[1]». Cette mesure était fort louable dans le contexte de création du Fonds, en 1983, alors que le taux de chômage était de 14,6 %. Mais quels emplois étaient réellement menacés par la vente du club de hockey?


Peut-être que cet investissement répond alors à l’objectif du Fonds de « stimuler l'économie québécoise par des investissements stratégiques »? Cet argument reste à démontrer. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le départ de l’équipe de Montréal ne semble jamais avoir été réellement envisagé. Dans ces conditions, on voit mal comment le dynamisme économique de la métropole puisse servir de prétexte à l’implication du Fonds. Si au moins cet investissement avait servi à amener les Coyotes de Phoenix à Québec, on aurait alors pu évoquer la stimulation économique!


En somme, bien que la transaction annoncée ce weekend recèle de bonnes nouvelles pour les partisans montréalais du club, elle se conclura avec un coût net pour l’ensemble des Québécois. Sans compter qu’elle s’inscrit apparemment en faux avec les objectifs du Fonds de solidarité. Son président-fondateur, Louis Laberge, a dû se retourner dans sa tombe en voyant pour quelles fins le fonds qu’il a créé fait désormais « appel à l'épargne et à la solidarité de l'ensemble de la population québécoise. »


[1] http://www.fondsftq.com/