Wednesday, April 16, 2008

L'avenir de l'éducation post-secondaire | Post-secondary education's future

Voici le texte d'une conférence que j'ai prononcée dans le cadre d'un débat sur le financement de l'éducation pour la Semaine de la Citoyenneté au Cégep du Vieux-Montréal. Le texte prononcé a préséance:
INTRODUCTION
Je voudrais d’abord vous remercier de m’accueillir dans le cadre de cette conférence sur le financement de l’éducation pour la semaine de la citoyenneté.

C’est toujours un plaisir de revenir dans cette institution que j’ai eu le plaisir de fréquenter pendant quelques mois.

Ce dont j’aimerais vous parler aujourd’hui, c’est comment embrasser les défis de l’avenir pour l’éducation supérieure. Certains parmi vous auront peut-être eu la chance de lire l’excellente série d’article de La Presse sur les diplômes à rabais cette semaine.

Je partage largement les craintes des intervenants interviewé : nos diplômes valent de moins en moins à mesure que le temps passe. Et j’y vois une conséquence de l’étranglement financier qu’on a imposé à nos universités depuis trop longtemps.

Ici, je me permets une parenthèse :
Ceux qui ont lu les articles de La Presse auront peut-être remarqué comme moi le nombre d’intervenants anonymes… C’est signe selon moi de l’homogénéité de pensée qui a été imposée tranquillement dans nos milieux académiques, tant universitaires que collégiaux. On vous fait croire que le financement de l'éducation est une question de principe, qu'il n'y a pas de débat à faire là-dessus... C'est faux! Les choix de société doivent faire l'objet d'une remise en question et peuvent être changés, surtout quand ils sont néfastes pour la société.

Alors, comme le temps est compté, je ne m’attarderai pas longtemps sur les formes de financement autres que la hausse des droits de scolarité. Je mentionnerai simplement que :

- Le Québec dépense 25 % de plus que la moyenne des pays de l’OCDE en éducation
- De fait, il n’y a que 3 pays qui dépensent plus que nous
o Le financement public est largement suffisant!

- Chaque dollar de réduction de la taxe sur le capital des entreprises réinjecte 1,41 $ dans l’économie québécois : c’est plus que du 1 pour 1!
o Surtaxer nos entreprises, c’est amorcer un cercle vicieux de la pauvreté pour le Québec
o La tarification est beaucoup moins dommageable

Il ne reste donc qu’une option, et ce c’est pas la révolution. Il faut augmenter les droits de scolarité…

Pourquoi?

D’abord parce qu’étudier c’est payant! Presque deux fois plus pour les individus que pour la société

Rendement privé moyen d’un bacc. : 17.25% contre 10.5% de rendement social en 2000 (Moussaly, 2005)

Il existe peu de placements qui rapportent plus que l’éducation!

Ensuite, parce que si le dégel est bien fait, c’est une mesure qui permet une meilleure équité envers les moins nantis :

À l’heure actuelle, il y a deux fois plus d’étudiants qui proviennent de familles aisées que de familles pauvres dans nos universités. C’est au Québec que ce déséquilibre est le plus important.

Ça veut donc dire que de financer l’éducation par les impôts, ça revient à faire payer l’éducation des riches par les contribuables de la classe moyenne…

Ce sont les pauvres du Québec qui paient pour l’éducation des riches à cause du gel universel des droits de scolarité.

C’est pourquoi il faut dégeler les droits de scolarité et augmenter l’aide financière aux études de façon ciblée pour aider les moins nantis. De la sorte, ceux qui ont les moyens de payer le feront, ce qui permettra de venir en aide spécifiquement à ceux qui en ont besoin.

Ainsi, les droits de scolarités augmentés graduellement avec un programme de support aux plus démunis représentent également une meilleure équité entre les étudiants eux-mêmes.

Ce qui m’amène à conclure sur ma proposition de plan de financement de l’éducation, après la période de dégel. Il s’agit d’un plan 2012-2017 :

1- Dégel asymétrique selon les disciplines pour que les droits de scolarité représentent 40 % des coûts de formation
a. Certains auront à payer plus
b. D’autre y gagneront (arts, lettres et sciences humaines)
c. Permettra une meilleur équité entre les étudiants et reflètera également les rendements différenciés des différents programmes

2-Augmenter graduellement pour rejoindre la moyenne canadienne
a. Assurer la qualité de nos universités par rapport au reste du Canada
b. Deux fois l’inflation à chaque année, ce qui implique une perte de 165 étudiants par année
c. Si on vient en aide à ceux qui en ont réellement besoin, on peut réduire voire éliminer cet effet négatif du dégel

3- Instaurer un RPR fiscalisé
a. Permettre aux étudiants les moins nantis de ne pas payer leurs droits de scolarité pendant leurs études
b. Remboursent proportionnellement à leurs revenus une fois gradués, possiblement par leur déclaration d’impôts.


CONCLUSION

9 comments:

Claire Malbouires said...

Bonjour M. Laberge

J’ai assisté au débat auquel vous avez participé au CÉGEP du Vieux Montréal, et je voudrais d’abord vous féliciter pour votre courage, le moins que l’on puisse dire, c’est que vous n’étiez pas en terrain conquis. Je trouve effectivement qu’il existe une certaine loi du silence au niveau du débat entourant les frais de scolarité dans les universités. Ceux qui osent émettre des réserves face aux positions des fédérations étudiantes sont automatiquement pointés du doigt et se font traiter de tous les noms, en particulier ce qui semble être la pire insulte à leurs yeux : être un néolibéral.

Je partage votre point de vue sur le fait que la situation actuelle n’est plus tenable et qu’il faut faire le choix courageux d’hausser les frais, conditionnellement, tel que vous l’avez expliqué, à l’amélioration de l’aide aux études pour les plus démunis. Je voudrais cependant intervenir sur la question des frais de scolarité imposés aux étudiants étrangers. J’ai eu la chance de payer les mêmes frais que les étudiants québécois en raison des accords de coopération existants entre le Québec et la France. Cependant, peu d’accords de ce type existent à l’heure actuelle. Je ne défends pas l’idée que les étudiants étrangers devraient payer des frais égaux aux étudiants québécois, en particulier s’ils repartent aussitôt leurs études complétées. Cependant, qu’en est-il des étudiants qui décident de rester et de contribuer comme tous les autres à leur société d’adoption par leur travail et leurs impôts ? Pensez-vous qu’il serait-il envisageable de leur «rembourser» le montant supplémentaire qu’ils ont payé en leur accordant par exemple des crédits d’impôts lorsqu’ils commencent à travailler.

Matt said...

Bonjour Mme Malbouires

merci beaucoup de votre commentaire. Je dois vous avouer que j'ai été surpris de l'ouverture et de l'accueil qui a été réservé à cette conférence. Pour avoir évolué à une certaine époque dans le mouvement étudiant, je m'attendais à un débat beaucoup moins ouvert que celui que nous avons eu, malgré les quelques épithètes qui ont pu surgir ici et là!

Je ne fais que commencer ma réflexion sur les droits de scolarité pour les étudiants étrangers... Je dois cependant dire que, bien que je comprenne votre point de vue, je m'explique mal pourquoi le gouvernement du Québec (donc l'ensemble des Québécois) devraient financer des étudiants qui viennent d'ailleurs...

Également, je n'ai pas abordé ce point jeudi dernier par manque de temps mais c'était dans mes notes d'allocution, je crois que nous sommes rendus dans une deuxième phase d'internationalisation de l'éducation. L'avenir pour les universités québécoises en ce domaine réside selon moi dans l'ouverture de campus à l'étranger et non pas en attirant des étudiants étrangers ici. Cela se fait communément ailleurs, j'en veux pour démonstration le Collège Champlain (Vermont) qui a ouvert récemment un campus à Montréal et l'Université de Nottingham (Angleterre) qui a des campus en Chine et à Singapour.

Bref, merci de contribuer à ma réflexion! Au plaisir de poursuivre cet échange!

Sylvain Aubé said...

Je crois que, outre les radicaux irrationnels de l’ASSÉ, la plupart des étudiants seraient favorables à une telle réforme. Seulement, pour connaître bon nombres de gens impliqués dans les fédérations étudiantes, il y a une grande méfiance : quelles sont les garanties que le dégel sera « bien fait »? Une fois que le dégel est opéré, les moins nantis sont à la merci de n’importe quel gouvernement qui déciderait de couper dans les prêts et bourses; Charest ont donc beaucoup nuit à cette possibilité en prouvant qu’il est tout-à-fait possible à un gouvernement de s’attaquer spécifiquement aux plus pauvres pour redistribuer aux autres. Si ça arrivait après un dégel, ça serait bien pire.

Je crois qu’il n’y a qu’un gouvernement de gauche qui pourrait dégeler les frais puisque les gens n’auraient simplement pas confiance qu’un gouvernement de droite s’assurerait sérieusement que l’accessibilité soit préservée pour les moins nantis… Personnellement, je suis pas mal de cet avis. Je suis d’accord avec tout ton argumentaire à propos de la nécessité de dégeler les frais de scolarité mais je ne ferais aucunement confiance à Jean Charest pour garantir une aide adéquate pour les pauvres.

Matt said...

Je suis plutôt d'accord avec toi sur le fait de rendre crédible l'engagement des politiciens à développer un programme d'aide financière plus ciblé... Les faits démontrent bien l'instabilité des politiques publiques lorsque les finances publiques sont précaires et que plusieurs lobbies se font entendre. On a entendu le même genre de critique lorsque Pierre Fortin a proposé d'engranger des surplus de taxes pour faire face aux coûts du vieillissement: qu'est-ce qui garanti que le gouvernement ne prendra pas ses fonds pour une autre utilisation? Rien, en fait... Le tout est une question de crédibilité de l'engagement et aucune solution garantie à 100 % n'a encore été découverte dans ce domaine.

Là où je suis un peu mal à l'aise, c'est de prétendre qu'un parti ferait mieux qu'un autre en la matière ou aurait une plus grande légitimité qu'un autre pour procéder de la sorte. Je n'y crois tout simplement pas.

Les partis politiques, tous horizons confondus, sont ce qu'ils sont: "short-sighted". Le processus électoral est monté de la sorte à leur donner des préoccupation à court terme alors que les questions de politiques publiques trouvent des solutions satisfaisantes le plus souvent à long terme. Aucun des partis politiques au Québec à l'heure actuelle ne peut prétendre laver plus blanc dans ce domaine!

Merci de ta contribution à cette discussion et n'hésite pas à intervenir encore!

Sylvain Aubé said...

Précision : Je ne disais pas que les partis de gauche sont plus fiables ou plus responsables que les partis de droite (je dirais même le contraire). Je disais plutôt que seul un parti de gauche pourrait inspirer assez de confiance par rapport à la garantie que les pauvres seront aidés pour qu’un dégel sérieux puisse se faire sans une contestation trop massive. Cela simplement parce que les partis de gauche sont traditionnellement plus soucieux d’enrayer la pauvreté; ils ont donc plus de « crédibilité », du moins aux yeux des étudiants, quand à leur volonté de garantir l’accessibilité aux études. Ça ne veut pas dire qu’ils sont réellement plus fiables pour autant…

Matt said...

Merci de la précision!

Je dirais même que ceux qui sont souvent identifiés à la "droite" ont également cette considération à coeur. Par exemple, le rapport du comité Montmarquette, publié récemment et taxé de "droite" parce qu'il propose le recours à la tarification, fait une large place à la question de l'équité et du support aux moins nantis.

Claire Malbouires said...

Bonjour,

Je suis entièrement d’accord avec vous, le prochain débat sur lequel il faudra se pencher est celui de l’internationalisation des universités québécoises. L’éducation est d’ailleurs l’un des sujets inscrit à l’ordre du jour dans les négociations de l’Accord général sur le commerce des services (AGSC) à l’OMC. Étant donné les passions que soulèvent les discussions entourant la mondialisation de la culture (preuve en est le dossier de la diversité culturelle), cela nous promet de beaux débats. À ce sujet, il est intéressant de consulter le document intitulé Enseignement supérieur : internationalisation et commerce, publié par l’OCDE en 2005.

Au niveau du Québec, le Ministère de l’Éducation a lancé une stratégie d’internationalisation en 2002. Le troisième axe de la stratégie portait particulièrement sur l’exportation du savoir québécois, avec entre autres l’ouverture de succursales d’universités québécoises à l’étranger. Les progrès en ce domaine semblent être relativement lents car il n’existe pas, à ma connaissance, d’universités québécoises ayant ouvert un campus à l’étranger, est-ce que je me trompe ?

Finalement, vous avez fait référence dans votre présentation à l’idée de créer un programme de type Erasmus pour favoriser les échanges étudiants entre provinces canadiennes. Cela me semble être une excellente idée, envoyer les étudiants à l’étranger est certainement judicieux, mais leur permettre de mieux connaître les autres provinces me semble aussi important.

Matt said...

Bonjour Mme Malbouires

de fait, le gouvernement du Québec est en retard sur le phénomène d'internationalisation de l'éducation. Nous essayons encore d'attirer des étudiants étrangers alors que nous devrions aller s'implanter dans les autres pays. En partie, cela doit être dû au fait que l'institution ne conserve pas de financement supplémentaire lorsqu'elle accueille (ici ou ailleurs) un étudiant étranger. Le surplus payé par celui-ci, à moins que je ne me trompe, retourne intégralement au MELS. Dans ce contexte, ouvrir un campus outremer est largement trop coûteux par rapport au financement supplémentaire potentiel. (HEC a tout de même un partenariat au Liban, mais je ne crois pas que ce soit un campus entièrement HEC).

Pour remettre dans le contexte, un étudiant du CVM a demandé si les pouvoirs liés l'éducation ne devraient pas être rapatriés au gouvernement fédéral pour faire la promotion de l'unité nationale. J'ai répondu que non, parce que je crois qu'il y a suffisamment de différences culturelles entre les provinces, notamment la langue!, pour justifier un pouvoir provincial en éducation.

Toutefois, je crois que si le gouvernement fédéral voulait permettre une meilleure cohésion du pays, il pourrait créer un programme d'échange étudiant interprovincial - à l'image du programme ERASMUS européen. Les programmes de langue existants sont trop restreints et trop courts pour permettre un réel échange et une compréhension approfondie des autres provinces canadiennes. Je crois que le nouveau programme devrait permettre à près de 10 000 étudiants de faire de tels échanges à chaque année (env. 1 % de la population étudiante canadienne).

Je traite de ce point dans mon chapitre dans le livre dirigé par André Pratte: Reconquérir le Canada, un nouveau projet pour la nation québécoise.

Anonymous said...

Pour augmenter la qualité, je trouve que le salaire des professeurs devraient être proportionnelle a la réussite des élèves. C'est bien beau le financement, mais faut aussi penser a la qualité.