Malgré ce qu’en disent les leaders étudiants, les Québécois ont voté pour le dégel des droits de scolarité
Mathieu LABERGE
Professeur au Collège Gérald-Godin et détenteur d’une maîtrise en économie internationale de l’Université de Nottingham, en Angleterre.
Aussitôt le Conseil des ministres assermenté, le nouveau gouvernement a annoncé son intention de procéder dès septembre au dégel des droits de scolarité, tel qu’il l’avait proposé lors du lancement de la campagne électorale. Comme on pouvait s’y attendre, les lobbies étudiants et leurs partenaires syndicaux ont vite réagi en brandissant le spectre de moyens de pression pouvant aller jusqu’à la grève illimité et en réclamant de nouvelles consultations publiques sur la question. Si on ne peut nier aux étudiants leur droit de conclure des ententes avec leurs alliés naturels et de protester contre cette décision, on peut certainement questionner la légitimité de leurs revendications face au choix qu’ont fait les électeurs québécois.
Au cours de la dernière campagne électorale, autant le PLQ que l’ADQ proposait une forme quelconque d’augmentation des droits de scolarité. Si l’ADQ s’est faite plutôt discrète sur cet aspect de son programme électoral, le PLQ n’a pas essayé de cacher ses intentions, les rendant même publiques la veille du déclenchement des élections. Or, le jour du vote, plus de 2,5 millions d’électeurs, près des deux tiers de ceux ayant exercé leur droit de vote, accordaient leur préférence à un de ces deux partis politiques en toute connaissance de cause. Il y a fort à parier que parmi eux, on compte plusieurs étudiants qui, sans applaudir à l’alourdissement de leur fardeau financier, reconnaissent la nécessité d’augmenter les droits de scolarité. Qui oserait maintenant prétendre que les Québécois « n’ont jamais voté pour ça »?
Dans la même veine, demander de nouveau un large débat public sur l’accessibilité aux études, comme l’a fait la Fédération Québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), relève purement et simplement de la mauvaise foi. Cette question a été débattue en long et en large au cours des dernières années. La Commission de l’Éducation de l’Assemblée nationale a même tenu une vaste consultation sur la qualité, l’accessibilité et le financement des études universitaires en 2004. Plus de 90 mémoires ont été déposés à cette occasion et 87 organismes, dont les associations étudiantes et les syndicats, ont été entendus par les parlementaires. Réclamer une nouvelle consultation moins de trois ans plus tard ressemble fort à une tentative de repousser l’échéance encore une fois... Il y a toujours bien une limite à vouloir réinventer sans cesse la roue!
Détournement de démocratie
Dans ce contexte, évoquer une grève générale et des moyens de pression pour l’automne ou tenter d’étirer la sauce en demandant un nouveau débat s’apparente à nier un choix démocratique et légitime de la population québécoise. Comme si quelques 200 000 étudiants, selon les chiffres officiels des trois grandes associations étudiantes nationales, pouvaient renverser à coup de pancartes et de manifestations le choix fait par dix fois plus de leurs concitoyens. Jean Charest a beau diriger un gouvernement minoritaire, il a tout de même été élu pour gouverner. Laissons-le donc réaliser ses engagements!
Maintenant plus que jamais, le mouvement étudiant doit prendre acte du verdict qu’ont rendu les Québécois le 26 mars dernier. Pendant 14 ans, ceux-ci ont accordé le bénéfice du doute à une politique qui n’a donné que peu de résultats concrets. Ils souhaitent maintenant changer de cap. La seule porte de sortie honorable pour les étudiants et leurs représentants consiste à ranger leurs slogans et à aller s’asseoir avec la ministre de l’Éducation, afin de veiller à ce que ce dégel se fasse de façon contrôlée, notamment en s’assurant qu’une partie des sommes perçues chez les étudiants servent à bonifier le régime d’aide financière. Toute autre réaction pourrait drôlement s’apparenter à un déni de démocratie pour contrer une politique qui, de toute façon, semble désormais inévitable.
Mathieu LABERGE
Professeur au Collège Gérald-Godin et détenteur d’une maîtrise en économie internationale de l’Université de Nottingham, en Angleterre.
Aussitôt le Conseil des ministres assermenté, le nouveau gouvernement a annoncé son intention de procéder dès septembre au dégel des droits de scolarité, tel qu’il l’avait proposé lors du lancement de la campagne électorale. Comme on pouvait s’y attendre, les lobbies étudiants et leurs partenaires syndicaux ont vite réagi en brandissant le spectre de moyens de pression pouvant aller jusqu’à la grève illimité et en réclamant de nouvelles consultations publiques sur la question. Si on ne peut nier aux étudiants leur droit de conclure des ententes avec leurs alliés naturels et de protester contre cette décision, on peut certainement questionner la légitimité de leurs revendications face au choix qu’ont fait les électeurs québécois.
Au cours de la dernière campagne électorale, autant le PLQ que l’ADQ proposait une forme quelconque d’augmentation des droits de scolarité. Si l’ADQ s’est faite plutôt discrète sur cet aspect de son programme électoral, le PLQ n’a pas essayé de cacher ses intentions, les rendant même publiques la veille du déclenchement des élections. Or, le jour du vote, plus de 2,5 millions d’électeurs, près des deux tiers de ceux ayant exercé leur droit de vote, accordaient leur préférence à un de ces deux partis politiques en toute connaissance de cause. Il y a fort à parier que parmi eux, on compte plusieurs étudiants qui, sans applaudir à l’alourdissement de leur fardeau financier, reconnaissent la nécessité d’augmenter les droits de scolarité. Qui oserait maintenant prétendre que les Québécois « n’ont jamais voté pour ça »?
Dans la même veine, demander de nouveau un large débat public sur l’accessibilité aux études, comme l’a fait la Fédération Québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), relève purement et simplement de la mauvaise foi. Cette question a été débattue en long et en large au cours des dernières années. La Commission de l’Éducation de l’Assemblée nationale a même tenu une vaste consultation sur la qualité, l’accessibilité et le financement des études universitaires en 2004. Plus de 90 mémoires ont été déposés à cette occasion et 87 organismes, dont les associations étudiantes et les syndicats, ont été entendus par les parlementaires. Réclamer une nouvelle consultation moins de trois ans plus tard ressemble fort à une tentative de repousser l’échéance encore une fois... Il y a toujours bien une limite à vouloir réinventer sans cesse la roue!
Détournement de démocratie
Dans ce contexte, évoquer une grève générale et des moyens de pression pour l’automne ou tenter d’étirer la sauce en demandant un nouveau débat s’apparente à nier un choix démocratique et légitime de la population québécoise. Comme si quelques 200 000 étudiants, selon les chiffres officiels des trois grandes associations étudiantes nationales, pouvaient renverser à coup de pancartes et de manifestations le choix fait par dix fois plus de leurs concitoyens. Jean Charest a beau diriger un gouvernement minoritaire, il a tout de même été élu pour gouverner. Laissons-le donc réaliser ses engagements!
Maintenant plus que jamais, le mouvement étudiant doit prendre acte du verdict qu’ont rendu les Québécois le 26 mars dernier. Pendant 14 ans, ceux-ci ont accordé le bénéfice du doute à une politique qui n’a donné que peu de résultats concrets. Ils souhaitent maintenant changer de cap. La seule porte de sortie honorable pour les étudiants et leurs représentants consiste à ranger leurs slogans et à aller s’asseoir avec la ministre de l’Éducation, afin de veiller à ce que ce dégel se fasse de façon contrôlée, notamment en s’assurant qu’une partie des sommes perçues chez les étudiants servent à bonifier le régime d’aide financière. Toute autre réaction pourrait drôlement s’apparenter à un déni de démocratie pour contrer une politique qui, de toute façon, semble désormais inévitable.
Des commentaires?
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In this paper, published this morning in La Presse, I defend the idea that the student unions are illegitimate to ask for the tuition fees unfreeze to be postponed once again. On the last election day, less than a month and a half ago, 2.5 million voters gave their vote to a party proposing to raise the tuition fees, namely the Quebec's Liberal Party and the ADQ. Even more, it has been anounced by the Liberals a day before the election race was lauch.
It is not more legitimate to ask for a new public consultation on the topic. No later than in 2004, the National Assembly made an important commission on the quality, accessibility and funding of higher education. At the moment, 90 papers and 87 groups were audited by the MPs. The debate is now done.
In that context, it would be denying democracy to reconsider the raise. As if 200 000 student could reverse a decision made by more than 10 times more Quebec's citizens... The only solution for the Student Union reprsentatives, if they are true democrats, is to sit down with the Minister for Education and negociate for the raise to be gradual and offset by a raise in education grants for the poorer. Any other reaction would be irresponsible and would look like a negation of democracy.
2 comments:
Ta conception de la démocratie me semble quelque peu arbitraire. Je m’explique : je suis d’accord avec ton affirmation que rien ne peut remettre en question le choix de la population lors d’un scrutin. Le problème, c’est de bien identifier le choix dont on parle. Le PLQ a promis tout un tas de choses, même chose pour l’ADQ et le PQ. Je ne sais absolument pas sur quoi tu te bases pour affirmer que d’entre tous les enjeux qui ont été soulevés pendant la campagne électorale, c’est la hausse des frais de scolarité qui a "propulsé" le PLQ au pouvoir. Enfin, pour la plupart des analystes crédibles, le PLQ a été sanctionné, pour employer un terme que tu as mis de l’avant, plutôt que récompensé. La perte de 28 sièges et de 13% du vote est un message clair pour tout parti politique qu’il doit changer quelque chose à sa façon de faire. Loin de procéder à une remise en question naturelle, tu sembles affirmer que le PLQ a reçu le message suivant : foncez dans le tas, on approuve toutes vos politiques les yeux fermés (à moins que ce ne soit seulement que la politique de hausse des frais de scolarité qui a reçu cet aval, et je ne vois pas ce qui pourrait bien appuyer cette opinion).Il est beaucoup plus probable que c’est la perspective d’une entente avec le gouvernement Harper sur le règlement du déséquilibre fiscal, la peur de l’inexpérience de l’ADQ et la révulsion à l’idée d’un autre référendum qui a fait qu’entre trois mauvais choix, le Québec a pris le moins mauvais, mais sous haute surveillance et en lui lançant un message très clair. Si l’on en croit…la concordance très systématique de tous les sondages sur cette question, ce n’est pas pour son programme que le Québec élit le PLQ, mais pour son équipe et parce qu’il ne propose pas un référendum « le plus tôt possible ». Alors que le PLQ a atteint un bas-fond historique, il serait pas mal plus réaliste d’affirmer que le Québec a élu l’équipe libérale, point à la ligne, le menu législatif devant faire l’objet de négociations et de compromis. Je crois que tu vas trop loin quand tu affirmes que la politique de dégel a reçu l’appui du peuple.
J’en veux pour preuve que l’ADQ n’as pas promis un dégel, mais bien l’indexation à l’IPC des frais de scolarité associée à une régulation ou d’une interdiction de frais afférents. En passant, cette proposition de l’ADQ revient exactement au statu quo, car le gel n’a jamais existé en raison de la hausse constante des frais afférents. Depuis 1994, la facture des étudiantes a augmenté…à l’IPC.
Donc, si tu veux être cohérent avec tes propres propos, tu dois admettre que les deux tiers du Québec a voté pour le maintien du statu quo et contre la promesse du PLQ : le PQ propose un gel des frais sans parler des frais afférents, tandis que l’ADQ demande l’IPC mais a promis de règlementer voire d’interdire les frais afférents. Mais, comme je le disais plus haut, il faut faire attention lorsqu’on fonde un argument de légitimité sur la seule base de la plate-forme des partis et la répartition des sièges. Après l’élection fédérale de 1988, on pouvait dire pour une rare fois sans se tromper que l’enjeu de l’élection était le libre-échange, parce que les partis en avaient débattu, que cette question avait été au cœur du débat, des éditoriaux et des des plate-formes électorales. Dans notre cas, on ne peut pas dire que la hausse des droits de scolarité ait reçu même une fraction de cette attention. Je suis donc totalement en désaccord avec ta lecture des élections et de ton application des concepts de démocratie et de légitimité.
Il est vrai que les sondages doivent être pris avec un grain de sel. Cependant, dans le cas de notre discussion, les sondages qui montrent un désaccord avec les hausses de frais pris en pleine campagne électorale tendraient plutôt clairement à te faire voir que ce n’est pas parce qu’ils appuient la politique du PLQ que les Québécoises et les Québécois ont voté pour le PLQ. D’ailleurs, 90% des sondés en fin de campagne se sont prononcés contre les baisses d’impôt promises par Jean Charest, est-ce que ça voudrait dire qu’ils ont tous changé d’avis à la dernière seconde ? Est-ce qu’il est possible d’être contre certains éléments mis de l’avant par un parti mais de voter pour lui tout de même ? Demandons au West Island, qui est pratiquement obligé de voter PLQ avec tout ce que ça suppose parce que personne d'autre ne met de l'avant une plate-forme assez fédéraliste pour eux.
Le gouvernement dispose d’un « surplus » (qui n’en est pas vraiment un en raison des déficits des hôpitaux, des universités et des municipalités) de 700 millions$, obtenu après de nombreuses démarches auprès du gouvernement fédéral. Non seulement est-ce que le fait de tout mettre ça sur des baisses d’impôt ridiculise la position de négociation du Québec lors de rondes de négociations futures avec le palier fédéral, mais cet argent devrait servir à colmater plusieurs brèches, comme en santé, en remboursement de dette, et en éducation.
Je ne partage pas ton avis que des frais de scolarité bas sont une taxe pour les pauvres. Je trouve que c’est même un peu tendancieux, car après tout, les étudiants (je ne féminiserai pas toute cette phrase car ça serait lourd) sont tous de futurs payeurs d’impôts, impôts qui serviront à payer les maigres avantages sociaux consentis aux plus démunis. Des études montrent (et c’est assez intuitif) que la diplômée universitaire moyenne paiera dans sa vie 400,000$ de plus en impôts qu’un diplômée du cégep, soit le double. Les étudiants feront plus que leur part, dans une économie mondiale lourdement axée sur le savoir, l’innovation et tout ce qui s’acquiert à l’université. C’est sûr que si on ne prend que le cliché (au sens de photo) de l’étudiant universitaire sur le banc d’école et le pauvre qui paie 15 % d’impôt, on peut avoir l’impression que la relation entre ces deux figures est injuste. Lorsqu’on fait l’exercice en regardant leur contribution à la société sur toute la durée de leur vie, cependant, on se rend compte que le pauvre se trouve à investir quelques dollars en taxes pour les études de l’étudiant (pas beaucoup, nous en conviendrons), en échange d’une pension beaucoup plus importante à laquelle contribuera bien davantage la diplômée qui s’est trouvé un meilleur emploi que le pauvre. Il est donc dans l’intérêt du pauvre, et de toute la société, de s’assurer que le maximum de diplômées émergent des universités. On maximise ainsi la compétitivité de notre économie et la quantité d’impôts payés par les contribuables et les compagnies.
Pour ce qui est des prêts et bourses, il s’agit d’un miroir aux alouettes. C’est un fait peu connu et qui met les gens mal à l’aise, mais notre régime d’aide financière est inadéquat. 6 étudiantes à temps plein de l’UQAM sur 7 doivent travailler plus de 15 heures par semaine pour arriver à payer leurs études. C’est presque tout le monde, ça, et ça nuit grandement à leur concentration. Tout l’idée d’aller à l’université, c’est d’acquérir une formation de qualité (ça prend un réinvestissement massif, pas seulement les cacahouètes que peuvent contribuer les étudiants), et non de voir avec combien de jobines différentes on est capable de jongler pendant trois ou quatre ans. Une hausse de 500$ par session représente environ trois ou quatre heures de travail supplémentaire par semaine pour arriver (le salaire minimum ne montera pas de 30% en cinq ans et les étudiants ne se mettront pas par magie à décrocher de meilleurs emplois à temps partiel), et ces trois ou quatre heures sont tout simplement de trop. Je ne dis pas si ces trois ou quatre heures étaient les seules que doivent travailler les étudiantes, mais il s’avère qu’il s’agit plutôt de la 16e, 17e, 18e et 19e heure. Tous les experts, dont le Conseil supérieur de l’Éducation et sans doute la CRÉPUQ, sont d’accord pour dire qu’aucun étudiant ne devrait travailler plus de 15 heures par semaine pendant des études à temps plein. Encore une fois, si on veut que notre économie soit compétitive, on se doit d’avoir les meilleurs diplômés possibles. Toute chose étant égales par ailleurs, une cohorte de diplômés qui a travaillé en moyenne 15 heures par semaine pendant ses études à temps plein est plus compétitive qu’une cohorte qui a travaillé 19 heures par semaine dans de pareilles circonstances. Pareillement, pour l’État québécois et canadien, des diplômés qui travaillent un an de plus pour cause de travail à temps partiel (calculé à partir de la dernière année de travail de leur vie pour pleinement mesurer l’impact) paient moins d’impôts que ceux qui ont pu terminer dans les temps prescrits.
On ne s’en sort pas : il faut aider les étudiantes à graduer le plus rapidement possible, pas les faire trop travailler à temps partiel ou, pire, ne pas leur permettre d’étudier parce que ça coûte trop cher.
Ça fait rire certaines personnes, la notion que les études puissent coûter trop cher, et c’est dommage. Pour savoir à quel point hausser les frais aura des impacts sur le décrochage, il ne faut pas regarder les plus riches mais les plus pauvres. C’est sûr que les plus riches ont des iPod et des porsche, mais je te garantis que les plus pauvres n’ont même pas de montre, encore moins un cellulaire ou une voiture. Ce sont eux, qu’on ne voit jamais nulle part parce qu’ils sont entre leur salle de cours, leur appartement et leurs deux ou trois jobs. Ceux-là, 500$ ça fait une différence. Toute la différence. Si tu as deux parents qui font entre 30,000$ et 40,000$ oublie ça, tu n’auras jamais de prêts et encore moins de bourses, mais tes parents ne pourront pas plus te payer tes études. Si tu as le malheur d’habiter en région éloignée en plus, tu es pratiquement fini. Des gens qui ne peuvent pas travailler beaucoup plus de 15 heures semaines huit mois par année ne devraient pas à avoir à faire une dépense de 3,000$ par année, chaque année pendant au moins 3 ans. Qui d’autre au pays est dans une situation économique d’une telle précarité et doit dépenser autant d’argent ?
Tout ça, c’est sans compter l’impact de la perception des coûts qu’ont les gens plus pauvres. Plus les frais sont élevés, moins les gens pensent qu’ils peuvent se les payer. Tu trouves peut-être ça drôle et tu te dis peut-être que c’est leur problème. Mais, c’est notre problème : chaque personne qui aurait pu mais ne graduera pas coûtera en moyenne 400,000$ à l’État en impôt jamais payés. À l’ère de la dénatalité, on ne peut se permettre de perdre aucune grande payeuse d’impôt car il nous faudra payer pour les départs à la retraite de trois personnes par personnes encore dans la population active. Marge de manœuvre : zéro.
Parlant de dénatalité, crois-tu que c’est exagéré de dire que sans dette d’étude de 15,000$, 25,00$ ou (comme moi) 45,000$, les nouvelles diplômées feraient plus d’enfants, achèteraient plus de maisons, de voitures, en un mot : contribueraient bien davantage à la croissance du Québec ? Crois-tu que c’est pour d’autres raisons que des paiements mensuels de 300$, 400$ ou 500$ que les jeunes n’acquièrent pas de nouvelle propriété ou de nouveaux RÉERs ? On parle souvent de l’importance d’avoir une main-d’œuvre qualifiée et flexible. Comment sera-t-elle de qualité sans éducation universitaire ? Comment sera-t-elle flexible avec des paiements mensuels gros comme des loyers ?
Et permets-moi de m’indigner de l’incroyable égoïsme de nos parents. Non seulement nous laisseront-ils avec une dette publique que nos petits-enfants paieront encore, non seulement serons-nous moins riches qu’eux parce qu’ils nous ont emprunté leur richesse et c’est à nous de rembourser, mais ils veulent se payer des baisses d’impôt avec des hausses de taxes pour nous en plus ! Le comble, c’est qu’ils ont assez d’argent pour des baisses d’impôt et un réinvestissement en éducation, mais ils décident qu’ils vont nous faire payer plus pour qu’ils paient moins, avec toutes les conséquences économiques et sociales que l’on connaît. Et, le comble du comble, ils viennent nous traiter d’égoïstes ! Ça, c’est vraiment trop fort.
Je sais bien que c’est facile d’avoir une réaction instinctive : il manque d’argent en éducation, taxons les étudiantes. Je sais que les gens aiment véhiculer des stéréotypes sur les étudiants : paresseux, riches, plaintifs, des bons à rien. Mais ce qui est acceptable pour des citoyens ne l’est pas pour un gouvernement. On ne prend pas des décisions économiques ayant autant de conséquences sur l’avenir d’une société et sur la compétitivité d’une économie sur la base de réflexes faciles et sur des préjugés. La décision de Jean Charest n’est pas une décision prise par un homme d’État dans le meilleur intérêt de ses concitoyennes. C’est une décision prise par un politicien dans le meilleur intérêt de son parti politique : il fait le calcul qu'il y a moins de jeunes que de vieux et que les étudiantes ne votent pas autant que les personnes âgées car elles ont moins d’expérience et de temps libre. C’est donc populaire, voire populiste, mais ce n’est ni avisé, ni sage, ni juste, ni recommandable. Le fait qu'il y a peu de jeunes devrait plutôt nous inciter à les aider le plus possible pour qu'ils puissent payer le plus d'impôts possible.
Ça prend de la vision pour diriger un gouvernement. Et pour des raisons autant de gauche (accessibilité à l’éducation pour toutes celles qui en ont la capacité, le droit à une éducation sans perdre sa chemise), de droite (une hausse des frais nuit à l’enrichissement collectif et ralentit le développement économique de plusieurs façons) et de centre (par équité intergénérationnelle, on ne demande pas à la génération montante de s’endetter au privé pour repayer l’endettement public que la génération sortante lui laisse, tout en augmentant les frais encore plus pour payer des baisses d’impôt à la génération sortante), le dégel ne fait strictement aucun sens, après examen.
Et ça, c'est avant que je te parle des surplus de 14-16 milliards $ qui dorment à Ottawa. Ces surplus proviennent des coupures dans les paiements de transfert aux provinces pour les programmes sociaux (comme la santé et l'éducation, as-tu fait le lien entre les trous dans ces deux systèmes et les surplus aussi mystérieux que mirobolants qu'on découvre tout d'un coup?) faites dans les années 1990. Il est là, l’argent pour nos universités. C’est ça la solution à notre problème. C’est bien plus facile de blâmer les jeunes et les étudiants, mais c’est encore plus facile de les taxer, eux, que d’aller se tenir debout devant le gouvernement fédéral.
Il y a comme une mentalité bizarre qui m’échappe totalement : 14 MILLIARDS de dollars $ à Ottawa, 700 MILLIONS $ à Québec, et on vient téter « 2$ » aux étudiantes ? Come on, un peu de courage ! C’est pas un bloc monolithique, des sommes astronomiques comme ça ! Ça vient de quelque part ! Ça vient de nos poches ! On pourrait pas faire ça, prendre l’argent qui vient de nos poches pour payer ce dont on a besoin ? Non ? Trop facile, peut-être ? On peut pas rembourser 5 milliards $ à la place de 7 milliards$ et régler tous nos problèmes d’éducation ? Non ? Trop simple ?
Les conservateurs ont coupé dans des programmes sociaux névralgiques, comme les bureaux régionaux (provinciaux) du Conseil du statut de la Femme, le fonds de contestation judiciaire contre les lois anticonstitutionnelles et oppressives, et bien d’autres, tout ça pour 25 millions $ alors que le surplus est de 15 milliards $. Et là c’est la même chose : on a 700 millions $ à pas savoir quoi faire, on va TOUTE le mettre sur les baisses d’impôt ! C’est tellement frustrant, les gens se croient peut-être de grands économistes, d’appuyer ça sans réserve comme si ça s’imposait de soi-même. Ridicule, l’idée de réduire les impôts de 600 millions $ « seulement » et de mettre les 100 millions $ restants en éducation plutôt que de hausser les frais ? On aurait fait quoi sans une manne fédérale qui nous arrive comme ça tout d’un coup ? C’était pas pour nos programmes sociaux qu’on s’est battus pour avoir cet argent ?
Il y en a qui dorment au gaz. D’autres qui se font endormir par de la rhétorique anti-pauvre et anti-étudiante. Il y en a qui devraient avoir le courage de dire : « moi, c’est pas parce que j’appuie les baisses d’impôt (parce que dans le fond je ne suis pas certain, je ne suis pas un grand économiste ou je ne suis pas un économiste du tout), c’est pas parce que je veux plus d’argent pour l’éducation parce que je ne sais même pas combien d’argent ça prend (indice : quatre fois plus que la hausse des frais après 5 ans, quarante fois plus que la hausse après une session), dans le fond, j’appuie les hausses de frais de scolarité parce que j’aime pas les étudiants, je suis jaloux d’eux ou j’aime pas comment ils s’habillent, je veux avoir le plaisir de savoir qu’ils mangent leur bas ». C’est ça qui serait pas mal plus honnête et près de la vérité dans bien des cas.
Pour ce qui est de forcer les étudiants et étudiantes à manger leur bas, la hausse de frais est un pas dans la bonne direction, c’est très efficace. Pour faire avancer notre société et notre économie, c’est plutôt deux pas en arrière. Je te répète une dernière fois que l’AFE ne va PAS compenser les hausses de frais.
Si tu veux vérifier ce que je dis, va les voir, les super-règles de l’AFE à www.afe.gouv.qc.ca. Tu constateras que pour la classe moyenne, il va y avoir exactement zéro compensation pour les hausses de frais, une augmentation de taxes pure et simple. Et c’est pas comme si on ne disposait pas source de financement alternatives : 700 millions $ ou 15 milliards $, selon le palier étudié.
Un peu de cou-rage. Ça en prend beaucoup pour dire à un gouvernement de résister à l’envie de donner des baisses d’impôt sexy. Ça en prend ZÉRO pour s’en prendre aux plus pauvres et à ceux qui travaillent plus de 15 heures par semaine en étudiant à temps plein, qui n’ont pas les moyens de se payer des firmes de relations publiques et des belles recherches qu’on demande 10 fois jusqu’à obtenir l’erreur statistique qui va dans notre sens. C’est facile de s’en prendre à ceux qui n’ont aucun pouvoir plutôt que ceux qui en ont énormément. Mais, c’est plus payant d’aller voir les derniers : ils ont tout le fric.
La pognes-tu ?
Le fric. C’est ça qu’on cherche. Il est où le fric ? Dans les poches des étudiantes ? T’as appris ça dans un livre, à l’école, t’as pris ça où que les étudiants ont plein d’argent ?
15 MILLIARDS $. Quinze mi-lliards. 700 MILLIONS $. Sept cent mi-llions.
Allô ?
Te rends-tu compte, au moins, que dire : je vais baisser les impôts de 700 millions $ tout en demandant aux contribuables (parmi les plus pauvres, au moment de la perception) de contribuer 100 millions $ de plus revient à dire :
Je vais donner des baisses d’impôt de 600 millions$. Puis, je vais hausser les frais de scolarité de 100 millions $ pour vous donner 100 millions $ de baisses d’impôt supplémentaires ?
T’es d’accord avec ça, qu’on hausse les frais de 100 millions $ pour baisser les impôts de 100 millions $ de plus ?
Ben, pas moi.
Ce que tu affirmes est très représentatif de la situation à laquelle les étudiants sont confrontés. On ne parle que de 50$ par session pour obtenir davantage de services. Sans cette légère augmentation, les Universités n'auraient pas hésitées à augmenter leurs frais de livres ou tout autre frais relatifs aux cours. Cependant, ce qui serait intéressant de faire, serait de geler l'augmentation à 50$ pour ne pas que ce 50$ passe à 100$ dans un an ou à 150$ dans 2 ans. Malgré le fait que le gouvernement ait affirmer vouloir augmenter de 50$ par session pour les 5 prochaines années, on a aucune preuve que ce 50$ restera bel et bien 50$. Certains leaders étudiants vont réfuter ces affirmations en disant qu'ils ne veulent pas que les frais scolaires grimpent jusqu'à ceux de nos voisins de l'ouest ou du sud. Or, ceux-ci ont un service qui est en lien direct avec les frais qu'ils ont à débourser.
JF
Étudiant au Collège Gérald-Godin
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