Voici une lettre ouverte rédigée par mon collègue Marcel Boyer et adressée aux manifestants qui circuleront demain dans les rue de Montréal pour commémorer la fête des travailleurs. J'ai cru que les arguments sur la place du privé en santé valait la peine d'être mentionnés. Vous pouvez consulter la lettre à cette adresse également.
Vice-président et économiste en chef de l'Institut économique de Montréal et titulaire de la Chaire Bell Canada en économie industrielle à l'Université de Montréal.
Les citoyens du Québec veulent un système de santé de qualité, universel et accessible. Plusieurs groupes de pression présents dans le domaine de la santé défendent bec et ongle, sous un discours toujours généreux et enrobé dans une langue de bois exemplaire, leurs intérêts propres, souvent aux dépens de la satisfaction des besoins des citoyens. On le voit clairement dans l’appel à manifester le 3 mai, lancé par une coalition bien pensante sous la direction des grandes centrales syndicales.
On prend bien soin dans cet appel de semer la confusion entre la qualité des soins rendus aux citoyens et le mode de prestation de ces soins. On associe subtilement système de santé public et prestation des soins par des entreprises et organismes gouvernementaux. Mais il ne faut pas oublier que ces organismes sont souvent contrôlés par des groupes d’intérêts politiques, professionnels et syndicaux, à l’exclusion des patients eux-mêmes! Ces groupes bénéficient de conditions de travail et d’une organisation du travail qui contribuent à l’inefficacité du système.
La qualité d’un système de santé public n’exige aucunement que la prestation des soins soit contrôlée par un système monopolistique d’organismes « gouvernementaux ». Les citoyens et les patients ont besoin de fournisseurs de services de santé compétents et efficaces. S’il s‘avère que ces fournisseurs sont des organisations gouvernementales super syndiquées, très bien. Mais la seule façon pour les citoyens de s’en convaincre, c’est de mettre tous les fournisseurs intéressés en concurrence. C’est ce qu’on pratique dans presque tous les domaines de notre vie privée et publique. Pourquoi pas dans notre système de santé?
Il revient au secteur gouvernemental de définir le panier de biens et services, tant en quantité qu’en qualité, couverts par le régime public. Mais il revient au secteur privé, composé des entreprises d’économie sociale, sociétés à but lucratif, coopératives et autres organismes intéressés, de produire et distribuer ces biens et services de santé sous contrat avec le secteur gouvernemental dans le meilleur intérêt des citoyens et patients. Bravo si les organisations incompétentes ou inefficaces qui empoisonnent notre système de santé public devaient, lorsque mises en concurrence, disparaître et laisser leur place à des organisations plus compétentes et efficaces. Un système concurrentiel pour la fourniture de services de santé devrait être l’essence même d’un système public, universel et accessible.
En France
Pour se convaincre de l’intérêt d’ouvrir notre système de santé aux fournisseurs privés, on peut considérer le cas de la France. Le système français, même s’il est loin d’être à l’abri de toutes critiques, obtient de meilleurs résultats que le nôtre et repose en partie sur des prestataires privés, souvent à but lucratif. Le système public français domine le nôtre sur presque tous les plans, en particulier en ce qui concerne les files d’attente, pratiquement inexistantes, et en ce qui a trait au taux de mortalité évitable dû à des soins de santé déficients. Le système français vient contredire les défenseurs du statu quo au Québec et montre que des fournisseurs de soins privés peuvent apporter une importante contribution à un réseau public de santé sans menacer les objectifs d’accessibilité et d’universalité des soins, bien au contraire.
En 2005, on dénombrait en France 1052 établissements de santé privés à but lucratif, soit 37 % du total, avec 21 % des lits. À titre de comparaison, le secteur privé à but lucratif aux États-Unis représente seulement 15 % de l’ensemble des hôpitaux et 12 % des lits! Les établissements privés à but lucratif français réalisent 50 % des chirurgies de l’appareil digestif, 40 % des chirurgies cardiaques, 75 % des opérations de la cataracte et 30 % des accouchements!
Fournisseurs publics et privés, à but lucratif ou non, sont pleinement intégrés au régime public d’assurance maladie, qui rembourse 75 % des dépenses de santé (92 % des frais d’hospitalisation), que ces dépenses aient été encourues dans un établissement privé ou public, le reste étant assumé par des assurances complémentaires et par les patients eux-mêmes. Depuis 2000, une couverture médicale universelle (CMU) couvre à 100 % tous les assurés à faible revenu et 50 % d’entre eux choisissent d’être soignés dans le privé!
Dernier clou : le taux de croissance annuel moyen des dépenses réelles de santé par habitant en France s’est élevé à 2,3 % (1995-2005), le plus faible taux des pays de l’OCDE après l’Allemagne et ce, malgré le vieillissement rapide de sa population. La concurrence dans le secteur hospitalier en France est un des facteurs clés qui expliquent ces résultats : en poussant les établissements à chercher constamment à améliorer la qualité de leurs services et à se démarquer des concurrents, elle les incite à innover et à limiter leurs coûts. Il n’est pas surprenant de constater que les Français montrent un des taux de satisfaction les plus élevés au monde à l’égard de leur système de santé.
2 comments:
Enfin quelqu’un qui a effectué des recherches pertinentes sur le secteur de la santé en France. J’entends si souvent les détracteurs de l’introduction du privé dans le système de santé canadien que la France est un exemple car tout y est public. Les gens ont du mal à me croire quand je leur rétorque que le secteur privé a une place importante en matière de santé dans ce pays. Je pense surtout que les gens ont du mal à dissocier fourniture des soins et paiement des soins, ce qui constitue deux concepts différents. Le secteur privé peut très bien fournir des soins qui seront défrayés par le système d’assurance maladie public, tel que c’est le cas en France pour certain types de procédures médicales. Un bémol cependant, les deux systèmes sont tous deux fortement déficitaires et courent tout droit vers la catastrophe si aucun changement n’intervient rapidement.
Effectivement!
Si vous souhaitez plus de détails sur le système français de provision de soins de santé, je vous invite à consulter les documents suivants:
- Une note économique de mon collègue Yannick Labrie au http://iedm.org/main/show_publications_fr.php?publications_id=221
- Un document plus substantiel de mon collègue Marcel Boyer au: http://www.cirano.qc.ca/pdf/publication/2008s-06.pdf
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