Le commerce interprovincial devrait devenir une « voie de contournement » de la crise pour l’économie du Québec et des autres provinces
Voici le texte original que j'ai publié dans La Presse de ce matin.
Mathieu Laberge
Économiste et directeur de projet au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO)
Le ralentissement économique mondial qui sévit actuellement constitue une opportunité à saisir pour les Canadiens. Alors que plusieurs autres pays pourraient connaître une récession, le commerce interprovincial devrait devenir une « voie de contournement » de la crise pour l’économie du Québec et des autres provinces. Déjà importante lorsque le climat économique est clément, la question de la réduction des freins au commerce interprovincial devient incontournable au moment où s’amorce un dialogue fédéral-provincial sur la façon de faire face aux turbulences économiques.
Le protectionnisme de retour chez nos partenaires?
Dans le contexte économique actuel, l’accession de Barack Obama à la Maison Blanche fait craindre une résurgence du protectionnisme chez nos voisins du Sud, le président désigné ayant ouvertement questionné l’ALENA lors de la dernière campagne électorale américaine. Or, les mesures protectionnistes font mal. Vous rappelez-vous de la crise du bois d’œuvre? Alors que tout allait relativement bien, le gouvernement du Québec estime que cette prise de bec entre le Canada et les États-Unis a coûté près de 470 millions de dollars annuellement à l’économie de la province. Imaginez l’impact qu’elle aurait maintenant que l’économie est d’humeur orageuse.
Ce mouvement vers des politiques de réduction du commerce international pourrait également faire tache d’huile et s’étendre au reste du globe à la faveur de la propagation de la crise économique chez nos partenaires commerciaux. Dans le Nouvel Observateur du 30 octobre, l’essayiste français Emmanuel Todd appelait d’ailleurs l’Europe à adopter des politiques de restriction du commerce extérieur. Et c’est sans compter que des élections pourraient porter au pouvoir des administrations protectionnistes au Royaume-Uni, en Allemagne, au Parlement européen ainsi que dans 11 autres pays européens de moindre importance commerciale d’ici la fin de 2010.
Qu’on le veuille ou non, il deviendra de plus en plus difficile de parler de libre-échange à mesure que la crise financière fera sentir ses effets. Les leaders québécois et canadiens auront beau y mettre toute leur bonne foi, « it takes two to tango ». Il y a fort à parier que la seule réponse qu’ils recevront désormais de leurs interlocuteurs sera un navrant silence radio. Et s’il valait mieux miser sur un « set carré » canadien?
Beaucoup à faire ici même
S’il est vrai que les échanges entre les provinces canadiennes ont occupé une part généralement plus stable dans leur PIB que le commerce international depuis le tournant des années 2000, il n’en demeure pas moins qu’il reste des barrières à la circulation des biens à l’intérieur même du Canada.
En 2004, une enquête de la Chambre de commerce du Canada révélait que les entraves les plus fréquentes au commerce interprovincial étaient la superposition des réglementations entre les différentes provinces, la nécessité d’acquérir de multiples permis pour faire des affaires d’un océan à l’autre et les politiques d’achat local des gouvernements provinciaux. Ces différences de réglementation imposent des coûts importants, notamment aux petites et aux moyennes entreprises, ce qui réduit leur capacité de profiter pleinement du marché intérieur canadien.
Loin d’être un appel au repli sur soi, le développement du commerce interprovincial et la réduction des freins à celui-ci permettraient aux entreprises canadiennes de faire face à la baisse ponctuelle de la demande extérieure pour leurs produits en écoulant ceux-ci ailleurs au pays. Cela les préparera également à d’éventuelles discussions sur le libre-échange nord-américain ou européen. Non seulement pourraient-elles amoindrir ainsi le repli dû aux turbulences économiques, mais elles pourraient également en profiter pour se consolider et combler en partie leur écart de productivité avec leurs concurrentes. Une fois le ralentissement économique passé, elles seraient alors mieux outillées pour profiter de la reprise chez nos partenaires commerciaux.
Alors que les Québécois ont été d’ardents défenseurs du libre-échange américain, on voit mal pourquoi ils ne défendraient pas maintenant la fluidité commerciale entre les provinces avec autant de vigueur. Compte tenu des gains importants à réaliser pour les entreprises québécoises, tous les chefs de parti du Québec ont intérêt à promouvoir la réduction des entraves au commerce interprovincial. C’est d’autant plus vrai que le gouvernement Harper, qui est habituellement favorable à la liberté d’entreprise, ne risque pas de se dresser sur la route du prochain gouvernement québécois à ce sujet, quelle que soit sa couleur.
Économiste et directeur de projet au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO)
Le ralentissement économique mondial qui sévit actuellement constitue une opportunité à saisir pour les Canadiens. Alors que plusieurs autres pays pourraient connaître une récession, le commerce interprovincial devrait devenir une « voie de contournement » de la crise pour l’économie du Québec et des autres provinces. Déjà importante lorsque le climat économique est clément, la question de la réduction des freins au commerce interprovincial devient incontournable au moment où s’amorce un dialogue fédéral-provincial sur la façon de faire face aux turbulences économiques.
Le protectionnisme de retour chez nos partenaires?
Dans le contexte économique actuel, l’accession de Barack Obama à la Maison Blanche fait craindre une résurgence du protectionnisme chez nos voisins du Sud, le président désigné ayant ouvertement questionné l’ALENA lors de la dernière campagne électorale américaine. Or, les mesures protectionnistes font mal. Vous rappelez-vous de la crise du bois d’œuvre? Alors que tout allait relativement bien, le gouvernement du Québec estime que cette prise de bec entre le Canada et les États-Unis a coûté près de 470 millions de dollars annuellement à l’économie de la province. Imaginez l’impact qu’elle aurait maintenant que l’économie est d’humeur orageuse.
Ce mouvement vers des politiques de réduction du commerce international pourrait également faire tache d’huile et s’étendre au reste du globe à la faveur de la propagation de la crise économique chez nos partenaires commerciaux. Dans le Nouvel Observateur du 30 octobre, l’essayiste français Emmanuel Todd appelait d’ailleurs l’Europe à adopter des politiques de restriction du commerce extérieur. Et c’est sans compter que des élections pourraient porter au pouvoir des administrations protectionnistes au Royaume-Uni, en Allemagne, au Parlement européen ainsi que dans 11 autres pays européens de moindre importance commerciale d’ici la fin de 2010.
Qu’on le veuille ou non, il deviendra de plus en plus difficile de parler de libre-échange à mesure que la crise financière fera sentir ses effets. Les leaders québécois et canadiens auront beau y mettre toute leur bonne foi, « it takes two to tango ». Il y a fort à parier que la seule réponse qu’ils recevront désormais de leurs interlocuteurs sera un navrant silence radio. Et s’il valait mieux miser sur un « set carré » canadien?
Beaucoup à faire ici même
S’il est vrai que les échanges entre les provinces canadiennes ont occupé une part généralement plus stable dans leur PIB que le commerce international depuis le tournant des années 2000, il n’en demeure pas moins qu’il reste des barrières à la circulation des biens à l’intérieur même du Canada.
En 2004, une enquête de la Chambre de commerce du Canada révélait que les entraves les plus fréquentes au commerce interprovincial étaient la superposition des réglementations entre les différentes provinces, la nécessité d’acquérir de multiples permis pour faire des affaires d’un océan à l’autre et les politiques d’achat local des gouvernements provinciaux. Ces différences de réglementation imposent des coûts importants, notamment aux petites et aux moyennes entreprises, ce qui réduit leur capacité de profiter pleinement du marché intérieur canadien.
Loin d’être un appel au repli sur soi, le développement du commerce interprovincial et la réduction des freins à celui-ci permettraient aux entreprises canadiennes de faire face à la baisse ponctuelle de la demande extérieure pour leurs produits en écoulant ceux-ci ailleurs au pays. Cela les préparera également à d’éventuelles discussions sur le libre-échange nord-américain ou européen. Non seulement pourraient-elles amoindrir ainsi le repli dû aux turbulences économiques, mais elles pourraient également en profiter pour se consolider et combler en partie leur écart de productivité avec leurs concurrentes. Une fois le ralentissement économique passé, elles seraient alors mieux outillées pour profiter de la reprise chez nos partenaires commerciaux.
Alors que les Québécois ont été d’ardents défenseurs du libre-échange américain, on voit mal pourquoi ils ne défendraient pas maintenant la fluidité commerciale entre les provinces avec autant de vigueur. Compte tenu des gains importants à réaliser pour les entreprises québécoises, tous les chefs de parti du Québec ont intérêt à promouvoir la réduction des entraves au commerce interprovincial. C’est d’autant plus vrai que le gouvernement Harper, qui est habituellement favorable à la liberté d’entreprise, ne risque pas de se dresser sur la route du prochain gouvernement québécois à ce sujet, quelle que soit sa couleur.
Des réactions?
1 comment:
Les pays les plus protectionnistes ne s'empêcheront pas d'acheter chez-nous, qu'importe le prix, si ce que nous vendons correspond...
(1) à ce qu'ils veulent; et
(2) à ce qu'ils ne trouvent pas ailleurs (à meilleur prix).
Tant que nos entreprises canadienne vendront leur génie (et non le génie de quelqu'un d'autre), nous demeurerons uniques et donc, idéalement, plus prospères que ceux qui tentent d'imiter leur voisin.
Ce qui est unique n'a pas de prix.
Pour cette raison et bien d'autres, le Canada doit demeurer à l'avant-scène de l'innovation.
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