En échange d'une commission nationale des valeurs mobilières, le Québec devrait négocier de nouveaux pouvoirs avec le fédéral
François Vaillancourt et Mathieu Laberge, les auteurs sont respectivement Professeur au département d’économie de l’Université de Montréal et fellow au CIRANO, et Économiste et directeur de projet au CIRANO
Le gouvernement fédéral continue à progresser dans la mise sur pied d’une commission nationale des valeurs mobilières. Fort de l’appui unanime des parlementaires à l’Assemblée Nationale, le gouvernement du Québec va demander à la cour d’appel du Québec de se prononcer sur la constitutionalité d’une telle mesure. Ce recours du Québec n’étonnerait pas si le parti au pouvoir était souverainiste ou même autonomiste. Cette réaction est plus surprenante venant d’un gouvernement fédéraliste, même si elle constitue le seul moyen d’éviter la marginalisation de la Commission des valeurs mobilières du Québec advenant la création d’un organisme national. Mais est-ce la stratégie la plus appropriée pour défendre les intérêts du Québec dans le cadre fédéral ? Pourquoi ne pas profiter de ce débat pour fonder un nouveau fédéralisme du bon sens économique?
Étant donné le contexte changeant dans lequel évolue le pays, il n’y a pas de raison pour qu’un pouvoir, provincial ou fédéral, le demeure irrémédiablement. Une révision périodique de nos façons de faire, question de savoir si des pratiques valides lors de leur adoption le sont toujours en 2009, s’avèrerait même être un exercice bénéfique. Après tout, c’est un tel réexamen qui a donné plus de pouvoirs au Québec en matière d’immigration, de formation de la main-d’œuvre et de congé parental au cours des dernières années.
Une question de principes… mais lesquels?
Deux principes devraient diriger cet examen. D’abord, il semble raisonnable que le gouvernement le plus proche des citoyens offre les services publics, sauf lorsque des économies d’échelles ou des débordements entre juridictions rendent cette pratique inefficace. Il s’agit du principe de subsidiarité, bien connu dans le domaine du fédéralisme et qui est largement accepté.
Le second principe est moins courant, mais il nous apparaît essentiel pour trouver un compromis à ce différend. C’est celui selon lequel le Québec devrait chercher à accroître ses pouvoirs dans les domaines de compétence pour lesquels la langue joue un rôle crucial. En contrepartie de ce gain, le Québec devrait accepter de céder des pouvoirs dans les domaines où la langue joue un rôle moins décisif. Appelons cela le principe de l’adéquation linguistique des pouvoirs.
Dans le cas précis qui nous intéresse, le système financier canadien et mondial a beaucoup changé depuis 1867. Alors qu’une réglementation provinciale des capitalistes locaux investissant dans des entreprises locales était appropriée en 1959, elle ne l’est plus aujourd’hui. Les investisseurs et leurs capitaux traversent désormais les frontières des États.
Vers un compromis « gagnant-gagnant »
Par conséquent, et suivant les principes que nous avons élaborés plus haut, le gouvernement du Québec pourrait participer à la création d’une commission des valeurs mobilières unique au pays. Il céderait ainsi des pouvoirs dans ce champ de compétence. En contrepartie de cette concession, Ottawa transférerait au gouvernement du Québec des pouvoirs dans des champs de compétence où la spécificité francophone est importante. Par exemple, le gouvernement fédéral pourrait accepter de voir s’appliquer la Loi 101 aux employés québécois œuvrant dans des secteurs sous juridiction fédérale (banques, transports, télécommunications). Alternativement, il pourrait transférer au Québec des responsabilités dans le domaine de la réglementation de la dimension culturelle des télécommunications.
Ainsi, les deux ordres de gouvernements sortiraient gagnants et éviteraient de camper sur leurs positions: Ottawa obtiendrait la création d’une commission des valeurs mobilières nationale et Québec gagnerait des pouvoirs supplémentaires là où il peut réellement faire une différence. En prime, cette solution amènerait le débat sur le plancher des vaches plutôt que de se perdre dans les méandres des débats constitutionnels.
Nous croyons que ce genre d’arrangement concerté sur la base de principes clairs, plutôt qu’en fonction de pouvoirs partagés entre ordres de gouvernement il y a 142 ans, est plus respectueux de l’environnement évolutif propre à une fédération. Reste à voir si chacune des parties en cause saura mettre de l’eau dans son vin pour en arriver à solution véritablement profitable pour les Québécois et pour l’ensemble des Canadiens.
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