À travers le débat sur le déséquilibre fiscal, les Québécois ne peuvent imposer leurs choix sociaux à l’ensemble des Canadiens
MATHIEU LABERGE
Économiste et professeur au Collège Gérald-Godin
Le déséquilibre fiscal n’existe pas. C’est un monstre rhétorique créé de toutes pièces par les politiciens. Le déséquilibre, s’il en est un, se situe plutôt au niveau de l’étendue des services offerts par le secteur public québécois. Alors que cette bulle politique prend une ampleur démesurée et que les négociations pour la crever achoppent, il appartient aux Québécois de comprendre qu’ils ne peuvent imposer leurs choix sociaux à l’ensemble des Canadiens. Selon une étude du CIRANO et du Mouvement Desjardins, les dépenses par habitant du gouvernement du Québec sont 9% supérieures à la moyenne canadienne. Au chapitre des dépenses en services sociaux, le Québec dépense plus du double des autres provinces par rapport à la taille de son économie. Conséquemment, le Québec est également la province qui impose le plus ses citoyens; bon an, mal an, chaque Québécois paiera 840$ de plus en impôts que les autres Canadiens. Rien de plus normal, étant donnée l'abondance des services offerts par le secteur public québécois : garderies hyper subventionnées; multiples gels de tarifs en éducation post-secondaire, pour l’hydroélectricité et les permis de conduire; etc.
Un vagabond en Jaguar
Pourtant, l’appétit des Québécois pour les services sociaux semble à ce point insatiable que, malgré la plus forte imposition des particuliers des pays du G7, la situation financière du gouvernement du Québec demeure précaire année après années. Dans ce contexte, le réflexe des politiciens québécois a été d’invoquer un improbable déséquilibre fiscal pour forcer la main à Ottawa à transférer au Québec une plus grande part des impôts perçus chez tous les Canadiens. Non seulement un tel discours est-il déraisonnable, mais il est carrément misérabiliste. Faire reposer sur les épaules du gouvernement fédéral le règlement du soi-disant déséquilibre fiscal reviendrait à imposer aux Ontariens et aux Albertains le financement des choix sociaux extravagants des Québécois. On ne peut les blâmer de s’opposer au Québec sur la question. Après tout, donneriez-vous l’aumône à un mendiant au volant d’une rutilante Jaguar? Malheureusement, le Parti Conservateur s’est enlisé dans ce bourbier lors des dernières élections fédérales en promettant de trouver une solution aux récriminations du Québec. Le seul accord équitable susceptible de satisfaire à la fois le gouvernement du Québec et ceux des autres provinces canadiennes consisterait pour Ottawa à abandonner graduellement des champs de taxation fédéraux pour ensuite permettre aux gouvernements provinciaux de les occuper à leur guise par une sorte de mécanisme de vases communicants; une alternative vertement critiquée par le gouvernement Charest au printemps dernier.
Une lubie politique
Quoi qu’en dira le Ministre des Finances, Michel Audet, l’occasion rêvée pour ce faire s’est présentée le 1er juillet dernier avec la réduction de la TPS. Défiant toute logique, le gouvernement a alors refusé de procéder à une telle opération pour maintenant revenir sur ses pas en envisageant cette alternative « en temps et lieu » et en posant moult conditions. S’il est vrai qu’il aurait été politiquement coûteux pour un gouvernement ayant promis des baisses d’impôts de les hausser de la sorte, cette nouvelle valse hésitation du gouvernement libéral a aussi pour conséquence de démontrer l’hypocrisie crasse derrière le discours sur le déséquilibre fiscal. Si la situation financière du Québec avait été aussi catastrophique qu’on a bien voulu le laisser croire ces dernières années, il y a fort à parier que le gouvernement aurait sauté sur cette bouffée d’air providentielle. Or, en refusant d’agir dès le mois de juillet, on aura démontré que le déséquilibre fiscal est un caprice essentiellement politique sans réel fondement économique. Pis encore, en tergiversant comme il le fait, Jean Charest risque de se fermer sur les doigts sa seule porte de sortie honorable : pourquoi accepterait-il aujourd'hui une solution qu’il décriait il y a quelques semaines à peine? En bon père de famille, Ottawa doit désormais refuser de déshabiller Ralph pour habiller Jean. D’autant plus que Ralph a géré ses avoirs avec responsabilités et que Jean se permet de faire la fine gueule devant les issues proposées. Les Québécois doivent dorénavant accepter que personne d’autre qu’eux-mêmes n’a à payer pour qu’ils puissent continuer de bénéficier du plus haut niveau de services publics du Canada. Ils devront rapidement faire un choix : assumer le coût réel des services publics dont ils bénéficient ou accepter d’en céder certains au secteur privé.
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forum@lapresse.ca
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In this paper, published today in La Presse, I suggest that the fiscal imbalance evocated by Quebec's politicians is the final attempt to impose Quebec's social choices to the rest of Canada. With the most important expenditure in social services, more than double than anadian average, the Quebec's imbalance isn't fiscal, the problem is on the social services supply side. The only wise and equitable way to solve that highly political problem is for the federal government to abandon some fiscal fields, such as reducing the GST, and let the provincial governments raise their own taxes. Some will do, some won't...
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In this paper, published today in La Presse, I suggest that the fiscal imbalance evocated by Quebec's politicians is the final attempt to impose Quebec's social choices to the rest of Canada. With the most important expenditure in social services, more than double than anadian average, the Quebec's imbalance isn't fiscal, the problem is on the social services supply side. The only wise and equitable way to solve that highly political problem is for the federal government to abandon some fiscal fields, such as reducing the GST, and let the provincial governments raise their own taxes. Some will do, some won't...
However, Quebec's PM, Jean Charest, has announced he wouldn't agree with that solution many times in the last few months, unless his conditions are respected. By refusing a good solution, Quebec has shown that the fiscal imbalance is, in fact, a political lie. Moreover, by refusing to use that procedure back in July, when Ottawa reduced the GST by one percentage point, he showed that Quebec wasn't really needy.
Ottawa must now refuse to take from Ralph to give to Jean. Even more since Ralph has been responsible while Jean is being picky on the solution. By the end of the day, Quebecois must accept no one other than themselves has to pay to allow them to keep the highest level of public services in Canada. They now have to make a choice: either pay the real cost of their public services or give some of them to the private sector.