Thursday, February 14, 2008

Le marché des relations amoureuses... la suite | The market for romantic relationships... part 2

Pour ceux qui ne voudraient pas se tapper les 4 pages de l'étude sur le marche des relations amoureuses (disponible en format pdf à http://www.iedm.org/), je vous conseille les articles suivants:
Un excellent résumé de Hélène Baril dans La Presse affaire d'hier:
Un autre bon texte de Anne Drolet dans Le Soleil d'aujourd'hui:
Finalement, l'éditorial de Nathalie Collard dans La Presse de ce matin, qui aborde une autre dimension du marché:
Je vous invite également à visiter le carnet techno de Bruno Guglielminetti, en date du 12 février
Plusieurs autres entrevues sont disponibles, notamment sur les sites des radios.
Pour écouter l'entrevue à l'émission de Christiane Charette
Vous pouvez également visiter les entrevues de Paul Houde et de Gilles Proulx sur le site de CKOO 98,5 FM
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Here is a follow up the media coverage of my stydu about the market for romantic relationships. I know there was a paper in the National Post on February 13th. If you find any link to an English media about my research, please do let me know!

Wednesday, February 13, 2008

Existe-t-il un marché des relations amoureuses?

Voici un extrait de la Note économique que j'ai publié hier (désolé pour le délais, des difficultés techniques m'empêchaient de la publier avant). Vous pouvez consulter l'originale sur: http://www.iedm.org
La tradition de célébrer la Saint-Valentin en échangeant bons vœux et attentions particulières pour l’être cher remonte aussi loin qu’au Moyen Âge, le premier écrit de la sorte encore entier étant daté de 1415. Si la conception noble et idéalisée de la formation des couples subsiste encore aujourd’hui, peut-on pour autant écarter toute rationalité dans les comportements amoureux? Le comportement des hommes et des femmes à la recherche d’un partenaire ne répond-il pas à des principes qui dépassent la passion et qui comprennent une certaine forme de raison?

À cet effet, une quantité grandissante d’études abordent le phénomène de la popularité des sites de rencontre en ligne sous l’angle des mécanismes de marché. Par exemple, certains auteurs considèrent qu’ils constituent des « marchés de l’attention », puisque « les utilisateurs se concurrencent pour le temps et l’effort des autres usagers »
[1].

Les sites de rencontre peuvent également constituer des « marchés des relations amoureuses » puisqu’ils facilitent la rencontre d’offreurs et de demandeurs pour des partenaires. Dans ce contexte, toute personne qui évolue sur le marché fait partie à la fois du côté offre et du côté demande du marché. Généralement, les hommes s’offrent à titre de conjoint et demandent des conjointes et vice versa pour les femmes
[2].

Si les sites de rencontre sont effectivement des marchés, le comportement de leurs usagers devrait être influencé par les déterminants économiques habituels : prix, quantité, coût de renonciation, etc. Cette Note économique a pour objectif d’illustrer, notamment à l’aide de données originales du site RéseauContact
[3], les comportements rationnels qui guident en partie la recherche d’un partenaire[4].
(...)
La rationalité économique au cœur de l’humain

L’objectif de cette Note économique est d’illustrer comment la science économique peut apporter des explications à des comportements quotidiens qui semblent à première vue lui échapper. Bien entendu, la science économique ne peut tout expliquer des comportements sociaux des êtres humains. Elle permet néanmoins d’expliquer une partie de ces phénomènes, dont les sites de rencontre ne sont qu’un exemple. Bref, tout comme on ne peut réduire l’humain à un modèle économique, on ne peut restreindre la science économique aux chiffres et aux opérations mathématiques. La rationalité économique est fondamentalement humaine. Elle ne peut être dissociée de l’être humain parce qu’elle est au cœur de celui-ci.
[1] Andrew Rocco Tresolini Fiore, Romantic Regressions. An Analysis of Behaviour in Online Dating Systems, Massachusetts Institute of Technology et Cornell University, septembre 2004, p. 18.
[2] Comme cette Note économique vise à illustrer de façon générale les mécanismes de marché sur les sites de rencontre, elle se concentre sur les relations hétérosexuelles qui constituent la majorité des échanges sur le site de référence. Cela n’exclut pas que d’autres types de relations puissent avoir cours sur les sites de rencontre, notamment la recherche de partenaires de même sexe ou les échanges de couples.
[3] L’auteur souhaite remercier Martin Aubut, Mathieu Nezan et Janique Boily de RéseauContact pour leur collaboration à ce projet.
[4] On fait ici référence à la rationalité économique néoclassique qui « correspond au comportement maximisateur d’un agent économique, découlant de la théorie de l’utilité espérée ». Voir : Gilles Rotillon, « Rationalité néoclassique », dans Claude Jessua et al. (dir.), Dictionnaire des sciences économiques, 2001, p. 780. Elle implique qu’un agent économique tentera de maximiser son niveau de satisfaction tout en minimisant les ressources consacrées pour l’atteindre.

Tuesday, February 12, 2008

Is There a Market in Romantic Relationships?

Here is a part of the English version of an Economic Note I published this morning, the original can be viewed in pdf format at: http://www.iedm.org/ :

The tradition of celebrating Valentine’s Day by exchanging greetings and special gestures with loved ones goes back to the Middle Ages. The earliest known piece of writing in this respect is dated 1415. With the noble and idealistic concept of forming couples still in existence today, can we rule out all rationality in amorous deeds? Does the behaviour of men and women who are seeking partners not obey principles that go beyond passion to encompass an element of reason?

Fittingly, a growing number of studies look into the popularity of online dating sites from the angle of market mechanisms. For example, some authors feel they form “economies of attention” since “users compete for the time and effort of others.”
[1]

Dating sites may also form “markets in romantic relationships” since they facilitate meetings among people engaging in supply and demand with respect to partners. In this context, anyone who participates in this market is part of both its supply side and its demand side. Men generally offer themselves as male partners that seek female partners, and vice versa for women.
[2]

If dating sites truly are markets, their users’ behaviour ought to be influenced by the usual economic determinants: price, quantity, opportunity cost, etc. Through the use of original data from Quebec’s popular RéseauContact site,
[3] this Economic Note aims to depict the rational behaviour that partly guides the search for a partner.[4]

(...)

Economic rationality at the heart of the human mind

The aim of this Economic Note is to show how economics can provide explanations for day-to-day behaviour that may seem at first glance to lie outside the field. Economics, of course, cannot explain everything about the social behaviour of human beings. It nonetheless provides partial explanations of these phenomena, with online dating being just one example. Just as humans cannot be reduced to economic models, the field of economics cannot be limited to numbers and mathematical operations. Economic rationality is fundamentally human. It cannot be detached from the human mind because it lies at its very heart.
[1] Andrew Rocco Tresolini Fiore, Romantic Regressions. An Analysis of Behavior in Online Dating Systems, Massachusetts Institute of Technology and Cornell University, September 2004, p. 18.
[2] Since this Economic Note seeks to illustrate market mechanisms on dating sites in a general way, it focuses on heterosexual relationships, which account for the majority of participants on the reference site. This does not exclude other types of relationship in which dating sites may be involved, in particular searches for same-sex partners or exchanges between couples.
[3] The author wishes to thank Martin Aubut, Mathieu Nezan and Janique Boily of RéseauContact for their collaboration on this project.
[4] The reference here is to neoclassical economic rationality “corresponding to the maximizing behaviour of an economic agent, stemming from the theory of expected utility.” See Gilles Rotillon, “Rationalité néoclassique,” in Claude Jessua et al. (ed.), Dictionnaire des sciences économiques, 2001, p. 780. This theory suggests that economic agents will attempt to maximize their level of satisfaction while minimizing the resources devoting to achieving it.

Thursday, February 07, 2008

Reconquérir le Canada

Voici le texte d'une conférence que j'ai prononcé la semaine dernière au Collège Jean-de-Brébeuf et à l'Association générale des étudiants en droit de l'Université de Sherbrooke. (Le texte prononcé a préséance)
Je voudrais d’abord vous remercier de me laisser prendre la parole devant vous aujourd’hui.

C’est évidemment toujours un plaisir de venir devant un auditoire de gens du même âge que moi, ou en tout cas de la même génération, pour discuter d’idées. Des gens avec qui je partage un ensemble de choses qui dépassent largement l’âge : nous partageons un vécu, des expériences politiques, des convictions… C’est ce qui fait de nous la génération des « enfants de la loi 101 ».

C’est évidemment un défi également, puisque c’est l’occasion de mettre à l’épreuve des idées que j’ai écrites et qui touchent l’ensemble de notre génération. Parce que je crois que nous partageons également une vision du Québec et du Canada qui est propre à notre génération.

Laissez-moi commencer en vous racontant une anecdote qui m’a beaucoup fait réfléchir depuis un mois…

Tout a commencé le 14 janvier, au retour des vacances du temps des fêtes. La première chose que je fais en me levant le matin, c’est de consulter la section éditoriale de La Presse – je ne la lis pas, pas assez réveillé pour ça!, mais je la consulte.

Ce matin là, La Presse publiait un article titré « Enfin de l’oxygène » sous la plume de Christian Dufour. Rapidement, j’ai compris que Christian Dufour, un professeur de l’École nationale d’administration publique, réservait un accueil très positif au livre « Reconquérir le Canada : un nouveau projet pour la nation québécoise » qui avait été publié quelques semaines plus tôt.

En le lisant plus tard, j’ai perdu un peu de mon enthousiasme. Christian Dufour, un professeur que j’admire et respecte beaucoup par ailleurs, réservait effectivement un accueil dityrambique au livre… sauf aux chapitres qui me paraissaient les plus innovateurs : ceux des jeunes.

Au sujet des « jeunes » du livre, il écrivait : « Si l’on peut comprendre une certaine exaspération face au manque d’attachement des Québécois à l’égard d’un Canada dont ils font partie, l’amour ne se commande pas et la politique ne saurait se confondre avec la morale ou les bons sentiments. Partout et depuis toujours, elle repose sur la reconnaissance des intérêts objectifs des individus et des groupes, en relation avec ceux des autres. La force du livre apparaît davantage résider dans un rappel bien senti aux Québécois de ce qui est dans leur intérêt, en particulier les avantages du fédéralisme, que l’oubli de ces intérêts dans un factice amour du Canada. »

Je vous passe tous les commentaires qui me sont passés par la tête ce jour-là… et qui y sont d’ailleurs restés pour la plupart. Mais je peux vous confirmer que plusieurs faisaient référence à une pub de Volkswagen du genre : « Tasse-toi… » je vous laisse compléter.

En relisant le texte pour préparer cette conférence, je me suis rendu compte que j’avais eu tort… de m’emporter de la sorte !

Parce que le texte de Christian Dufour est la meilleure illustration des différences entre les deux générations qui se regardent en chiens de Fayence, mais qui ne comprennent pas leurs perceptions divergentes de la politique canadienne…

De mon point de vue, ce que prétend Christian Dufour dans son texte est :

1- Il faut continuer de vendre le Canada aux Québécois : ils finiront bien par comprendre que c’est dans leur intérêt ;
2- Le fédéralisme canadien n’est pas affaire de participation et , mais bien de rapport de force ;
3- À ce chapitre, le Québec détient un avantage certains, puisqu’il est un des deux peuples fondateurs.

Or, si les gens de notre génération peuvent comprendre ces arguments, j’ai l’intime conviction qu’ils ne peuvent y adhérer… parce que cela correspondrait à nous demander de lire l’actualité politique actuelle avec les lunettes de nos parents et de nos grands-parents.

Or, notre vécu comme génération politique diffère fondamentalement du leur, et cela teinte notre compréhension de la politique canadienne. Ce que je crois, c’est qu’il y a trois événements fondateurs qui ont marqué notre génération :

1- L’adoption de la loi 101


Comme enfants de la loi 101, nous avons vécu dans un Québec ou le français comme langue d’expression publique et commune était protégé. Nous n’avons pas connu l’époque de McGill français ou l’affront de se faire servir uniquement en anglais chez Eaton’s.

C’est une différence fondamentale, parce que ça fait de nous une génération qui ne voit plus l’anglais comme un outil d’oppression, mais plutôt comme un outil de travail et de communication.

Bien entendu, il faut continuer de protéger le fait français en Amérique, mais contrairement aux générations précédentes, nous pouvons désormais penser au développement de notre nation au sein du Canada, plutôt que se concentrer uniquement sur la préservation des acquis…

C’est un anachronisme de parler de préservation des acquis quand le Cirque du Soleil est dans le petit Larousse, quand SNC-Lavallin est devenu une des premières firmes d’ingénierie au monde, quand les avions et les trains de Bombardier transportent des centaines de milliers de personnes, quand des millions de lecteurs lisent leur journal sur de l’encre et du papier de Québécor, quand Denys Arcand est acclamé aux Oscars… quand Arcade Fire s’est fondée à Montréal !

Bref, selon moi, notre génération comprends que le français fait de nous une nation différente, sans pour autant qu’on ait à ne se préoccuper que de cette différence.

2- Le déplacement des lieux d’influence

Autre différence fondamentale à mon avis : la perte de vitesse de Montréal comme lieu d’influence canadien. Les générations précédentes ont connues de façon bien concrète l’opposition des deux solitudes dans la guerre à finir entre Montréal et Toronto. Or cette guerre est bel et bien terminée et un nouveau front s’ouvre entre Toronto et Calgary !

On est bien loin de l’époque ou on se demandait si le Parlement du Canada devait être situé à Montréal !

Or, il n’y a rien de catastrophique là-dedans… Il faut se rappeler qu’à l’époque des navires de bois, le centre industriel du Canada était sur la côte Est…

Mais il faut être réaliste… Aujourd’hui on voit la Bourse de Montréal réduite à peau de chagrin, le centre financier et les sièges sociaux s’établir à Toronto et à Calgary avec les investissements qui les suivent… Allô le rapport de force !

Ajoutez à cela qu’en 1996, quand nous fêtions nos 18 ans !, 46,5 % des Canadiens étaient d’origine autre que Français ou Britannique… Une proportion qui n’a pu que progresser depuis…

Comment pouvons-nous adhérer à la théorie des deux peuples fondateurs quand nos amis les plus proches mangent du couscous berbère, boivent de l’ouzo et parlent mandarin ? Comment y adhérer dans un Canada ou Terre-Neuve revendique, avec raison selon plusieurs, le statut de Nation et ou les Acadiens ont une fête Nationale ? Deux peuples fondateurs… n’est-ce pas un peu réducteur ?

Selon moi, notre vécu fait en sorte que nous sommes plus réalistes sur l’apport du Québec au sein du Canada. Que nous sommes plus ouverts à considérer le Canada comme un ensemble de groupes distincts, voire nationaux, qui évoluent ensemble au sein du même pays. Pouvons-nous encore revendiquer une part disproportionnée dans les décisions politiques du pays… Si la réponse est oui, ce dont je doute fort, alors pendant combien de temps pourrons-nous ?

3- L’arrivée du fédéralisme d’ouverture/asymétrique

Conséquemment, les institutions politiques canadiennes évoluent beaucoup plus rapidement que la conception québécoise de la politique canadienne. Le fédéralisme d’ouverture ou asymétrique, deux variantes du même concept, est en fait une réponse à la nouvelle réalité canadienne. Pour les gens de notre génération, les premiers à ne pas avoir vécu concrètement les confrontations les plus acerbes entre le Québec et les autres provinces canadiennes, cette évolution des institutions rend le « beau risque » beaucoup plus beau et pas mal moins risqué…

Pour avoir expliqué ces trois événements fondateurs et en avoir conclus qu’il fallait que notre génération serait celle qui pourrait le mieux prendre part à la définition d’un nouveau projet canadien, on a qualifié ma participation au livre d’idéaliste et d’utopiste.

Je suis généralement réfractaire à toute étiquette… Mais si idéaliste signifie « être prêt à sortir des sentiers battus pour redéfinir le projet canadien », alors j’accepte volontiers cette étiquette !

Et je crois que je ne suis pas le seul à l’embrasser… Je crois que nous sommes toute une génération de jeunes qui se préparent à imprégner le Canada d’une nouvelle vision des relations fédéral-provincial. Une génération de jeunes nationalistes québécois et patriotes canadiens… Parce que c’est de ça dont il s’agit : notre Nation est le Québec, mais notre Patrie est le Canada !