Monday, December 14, 2009

Environnement : sans système de prix efficace, point de salut

Nathalie de Marcellis-Warin
Professeure à l’École Polytechnique et Vice-présidente Risque et Développement durable CIRANO

Mathieu Laberge
Économiste et directeur de projet CIRANO

Nul ne doute que d’ici la clôture du Sommet de Copenhague, le 18 décembre, les leaders mondiaux prendront de nombreux engagements en faveur de l’environnement et contre les changements climatiques. Or, comme l’ont démontré les suites du protocole de Kyoto, en l’absence d’unanimité sur les moyens à prendre, le résultat obtenu est souvent loin des engagements. Si l’on souhaite passer de la parole aux actes, il faudra cette fois-ci utiliser les systèmes de prix comme solution environnementale.

Il existe deux moyens pour intégrer le coût de la pollution dans les prix auxquels les entreprises et les consommateurs font face. Le gouvernement pourrait contraindre les entreprises à acheter des crédits de carbone en imposant par voie réglementaire la « carboneutralité » à leur processus de production. Alternativement, il pourrait percevoir une taxe sur les émissions polluantes. Les recettes de cette taxe serviraient à acheter des crédits de carbone.

Chaque approche a ses forces et ses faiblesses. Néanmoins, dans les deux cas, l’effet est le même : la demande pour les crédits de carbone augmenterait, ce qui aurait pour effet d’en augmenter le prix sur les marchés internationaux. Ceci inciterait les entreprises à choisir des modes de production qui respectent l’environnement afin de minimiser la hausse de leurs coûts de production liée à l’achat de droits de polluer. Ces mécanismes de prix rendraient donc les alternatives écologiques plus attrayantes pour les entreprises.

Puisqu’ils sont les utilisateurs finaux des matières polluantes qui entrent dans la composition de leurs biens, les consommateurs auront nécessairement à assumer une part de ce coût supplémentaire. Cette hausse de prix les encouragerait cependant à modifier leurs choix de consommation vers des produits ou des modes de production plus écologiques. Les entreprises seraient conséquemment incitées à offrir des produits qui répondent aux attentes de leurs clients, tant en matière de prix que de rendement environnemental. D’un cercle vicieux de la dépendance aux modes de production polluants, on passerait ainsi à un cercle vertueux de la responsabilité environnementale.

Tirer les leçons de Kyoto
À l’égard de l’impact environnemental des mécanismes de prix, Copenhague semble être l’occasion d’apprendre des erreurs du protocole de Kyoto. Les objectifs de Kyoto ont tenté d’être réalisés par la mise en place de deux grandes catégories de moyens : l’adoption de standards environnementaux dans la réglementation et les campagnes de sensibilisation misant sur des mesures volontaires. Ces deux moyens proposent une réponse parfois efficace mais toujours partielle en l’absence de l’internalisation des coûts de la pollution dans le système de production.
Les mécanismes de compensation des émissions de gaz carbonique en sont une bonne illustration. Ceux-ci permettent de payer pour financer des initiatives de réduction des gaz à effet de serre et ainsi rendre certaines activités polluantes « carboneutres ». Leur caractère volontaire montre toutefois leurs limites. Plusieurs organismes proposent des services de compensation pour l’utilisation des voitures, des vols en avion et des systèmes de chauffage au mazout. Pourtant, combien d’automobilistes, de voyageurs et de propriétaires de maisons chauffées au mazout utilisent ces services?

Sans changement dans le prix des matières polluantes et sans l’internalisation des coûts de pollution, il y a fort à parier qu’il n’y aura pas de changement dans le comportement des entreprises et des consommateurs. Espérons donc que Copenhague sera un Kyoto où l’unanimité régnera et où ce qui manquait dans le protocole précédent sera inclus dans la nouvelle entente: l’utilisation du système de prix comme incitatif le plus efficace pour réaliser des engagements environnementaux audacieux.

Wednesday, September 09, 2009

Bons constats, mauvaises solutions: l'industrie forestière en question

Voici une Note CIRANO que j'ai publié récemment.

Pendant longtemps, on a considéré dans certains milieux que seule une diminution du volume de coupes pouvait limiter les conséquences environnementales de l’exploitation forestière. L’évolution récente des produits développés dans certains secteurs de l’industrie démontrent qu’il est désormais possible d’utiliser à meilleur escient la ressource et de minimiser le gaspillage qui était autrefois associé à son exploitation. Cette évolution laisse donc entrevoir une alternative à la réduction du volume de coupes. (Source de l'image: www.lesaffaires.com)

DES ALTERNATIVES TECHNOLOGIQUES
L’émergence du secteur des produits du bois pourrait encourager le développement de nouveaux produits mieux adaptés aux demandes des consommateurs. Ces produits sont souvent composés de matières qui autrefois étaient simplement considérés comme des résidus. Par exemple, les produits en bois lamellé-collé, les poutrelles en I, les solives de toit ajourées et les panneaux prémoulés à haute densité sont des produits du bois à haute valeur ajoutée qui peuvent permettre de valoriser une partie de la ressource qui serait gaspillée autrement.


De son côté, l’industrie des pâtes et papier devra identifier de nouveaux créneaux technologiques de développement, notamment dans les domaines des biotechnologies et des nanotechnologies, pour assurer sa relance. Dans le premier cas, on peut penser à des initiatives de cogénération d’énergie où la vapeur créée en brûlant des matières résiduelles comme l’écorce des arbres permettrait à la fois d’alimenter une turbine de production électrique et les séchoirs de pâtes à papier. Dans le cas des nanotechnologies, l’exemple le plus évocateur est l’utilisation des nano-fibres issues de la cellulose du bois pour renforcer les plastiques. Celles-ci pourraient par exemple remplacer la fibre de verre dans la fabrication de pare-chocs automobile. À terme, certaines usines de pâtes et papiers pourraient se transformer en bio raffineries qui produiraient des nano-fibres de cellulose, qui offrent un rendement très élevé. Les résidus, des sucres et de la lignine, pourraient être utilisés pour fabriquer du méthanol et des abat-poussière routiers.



UNE ÉVOLUTION HÉTÉROGÈNE
Cette transformation de l’offre de produits du bois se traduit dans les indicateurs économiques de chaque segment de l’industrie. Ainsi, le secteur des produits du bois a connu une hausse de 2,3 % de la valeur de ses livraisons et de 6,1 % de sa valeur ajoutée par année, depuis 2000. Cela s’est accompagné d’une hausse de la productivité et de l’emploi, ainsi qu’une stabilisation des conditions salariales des employés.


Au contraire, le secteur des pâtes et papiers a connu une décroissance rapide de tous ces indicateu
rs au cours des dernières années. Sa valeur ajoutée a connu une diminution annuelle moyenne de 8,7 % et la valeur de ses livraisons a diminué de 4,2 %. Les secteurs du bois d’œuvre et de l’exploitation forestière font plutôt figure de cas mitoyens.

En somme, tous les secteurs de l’industrie forestière ne vivent pas la même réalité. Conséquemment, ils n’ont pas besoin du même support de la part des pouvoirs publics. Bien qu’ils aient connu des difficultés dans le passé, les secteurs de l’exploitation forestière et des produits du bois ont fait des progrès importants. Il semble néanmoins nécessaire de venir en aide aux travailleurs touchés par la crise structurelle dans le secteur des pâtes et papiers ainsi que ceux touchés par la crise conjoncturelle dans le secteur du bois d’œuvre. Ce support ne signifie toutefois pas de maintenir à flot des entreprises qui font preuve d’une incapacité à s’adapter à la nouvelle donne de l’industrie.



UNE AIDE MIEUX CIBLÉE
Alors que la réorganisation dans le secteur des pâtes et papiers est en cours depuis déjà plusieurs années, les gouvernements ont pris prétexte de la récession pour verser de nouvelles aides financières aux papetières et à l’industrie forestière. Pourtant, on peut croire que les interventions gouvernementales n’auront que peu d’impact sur l’issue de la transformation industrielle en cours dans ce secteur. De fait, cette restructuration est nécessaire et elle se poursuivra après la récession, au même titre qu’elle a débuté bien avant celle-ci.


Dans le contexte où les différents secteurs de l’industrie du bois évoluent de façon divergente, un questionnement fondamental se pose en regard des politiques publiques adoptées jusqu’ici. Serait-il plus judicieux d’utiliser les deniers publics pour favoriser la recherche et le développement de nouveaux produits du bois à haute valeur ajoutée? Vaut-il mieux aider une industrie naissante que de maintenir sur le « respirateur artificiel » un secteur incapable de faire face à la concurrence internationale?
Le rapport Bourgogne qui est à l'origine de cette Note peut être consulté au:

Monday, July 27, 2009

Un compromis gagnant-gagnant

voici l'original d'un texte publié aujourd'hui dans La Presse

En échange d'une commission nationale des valeurs mobilières, le Québec devrait négocier de nouveaux pouvoirs avec le fédéral

François Vaillancourt et Mathieu Laberge, les auteurs sont respectivement Professeur au département d’économie de l’Université de Montréal et fellow au CIRANO, et Économiste et directeur de projet au CIRANO

Le gouvernement fédéral continue à progresser dans la mise sur pied d’une commission nationale des valeurs mobilières. Fort de l’appui unanime des parlementaires à l’Assemblée Nationale, le gouvernement du Québec va demander à la cour d’appel du Québec de se prononcer sur la constitutionalité d’une telle mesure. Ce recours du Québec n’étonnerait pas si le parti au pouvoir était souverainiste ou même autonomiste. Cette réaction est plus surprenante venant d’un gouvernement fédéraliste, même si elle constitue le seul moyen d’éviter la marginalisation de la Commission des valeurs mobilières du Québec advenant la création d’un organisme national. Mais est-ce la stratégie la plus appropriée pour défendre les intérêts du Québec dans le cadre fédéral ? Pourquoi ne pas profiter de ce débat pour fonder un nouveau fédéralisme du bon sens économique?

Étant donné le contexte changeant dans lequel évolue le pays, il n’y a pas de raison pour qu’un pouvoir, provincial ou fédéral, le demeure irrémédiablement. Une révision périodique de nos façons de faire, question de savoir si des pratiques valides lors de leur adoption le sont toujours en 2009, s’avèrerait même être un exercice bénéfique. Après tout, c’est un tel réexamen qui a donné plus de pouvoirs au Québec en matière d’immigration, de formation de la main-d’œuvre et de congé parental au cours des dernières années.

Une question de principes… mais lesquels?
Deux principes devraient diriger cet examen. D’abord, il semble raisonnable que le gouvernement le plus proche des citoyens offre les services publics, sauf lorsque des économies d’échelles ou des débordements entre juridictions rendent cette pratique inefficace. Il s’agit du principe de subsidiarité, bien connu dans le domaine du fédéralisme et qui est largement accepté.

Le second principe est moins courant, mais il nous apparaît essentiel pour trouver un compromis à ce différend. C’est celui selon lequel le Québec devrait chercher à accroître ses pouvoirs dans les domaines de compétence pour lesquels la langue joue un rôle crucial. En contrepartie de ce gain, le Québec devrait accepter de céder des pouvoirs dans les domaines où la langue joue un rôle moins décisif. Appelons cela le principe de l’adéquation linguistique des pouvoirs.

Dans le cas précis qui nous intéresse, le système financier canadien et mondial a beaucoup changé depuis 1867. Alors qu’une réglementation provinciale des capitalistes locaux investissant dans des entreprises locales était appropriée en 1959, elle ne l’est plus aujourd’hui. Les investisseurs et leurs capitaux traversent désormais les frontières des États.

Vers un compromis « gagnant-gagnant »
Par conséquent, et suivant les principes que nous avons élaborés plus haut, le gouvernement du Québec pourrait participer à la création d’une commission des valeurs mobilières unique au pays. Il céderait ainsi des pouvoirs dans ce champ de compétence. En contrepartie de cette concession, Ottawa transférerait au gouvernement du Québec des pouvoirs dans des champs de compétence où la spécificité francophone est importante. Par exemple, le gouvernement fédéral pourrait accepter de voir s’appliquer la Loi 101 aux employés québécois œuvrant dans des secteurs sous juridiction fédérale (banques, transports, télécommunications). Alternativement, il pourrait transférer au Québec des responsabilités dans le domaine de la réglementation de la dimension culturelle des télécommunications.

Ainsi, les deux ordres de gouvernements sortiraient gagnants et éviteraient de camper sur leurs positions: Ottawa obtiendrait la création d’une commission des valeurs mobilières nationale et Québec gagnerait des pouvoirs supplémentaires là où il peut réellement faire une différence. En prime, cette solution amènerait le débat sur le plancher des vaches plutôt que de se perdre dans les méandres des débats constitutionnels.

Nous croyons que ce genre d’arrangement concerté sur la base de principes clairs, plutôt qu’en fonction de pouvoirs partagés entre ordres de gouvernement il y a 142 ans, est plus respectueux de l’environnement évolutif propre à une fédération. Reste à voir si chacune des parties en cause saura mettre de l’eau dans son vin pour en arriver à solution véritablement profitable pour les Québécois et pour l’ensemble des Canadiens.

Tuesday, June 23, 2009

Un investissement discutable

voici l'original d'un texte publié ce matin dans La Presse:


François Vaillancourt, Professeur au département d’économie de l’Université de Montréal et fellow au CIRANO


Mathieu Laberge, Économiste et directeur de projet au CIRANO

(Source de l'image: http://canadiens.nhl.com)
Quelques heures après que la rumeur de la vente du Canadien de Montréal à la famille Molson ait été confirmée, on faisait déjà valoir que les acheteurs ne bénéficieraient d’aucun support public pour conclure la transaction, même pas du « prêt avec intérêt » qui leur avait été offert par le gouvernement du Québec. Une transaction 100 % privée, en somme. C’est faux, puisque cette transaction représentera un coût de plusieurs millions de dollars pour l’État québécois.

C’est l’implication du Fonds de solidarité de la FTQ dans le groupe d’acheteurs qui vient troubler les cartes. Pour chaque dollar investi dans le Fonds, l’État québécois offre un crédit d’impôt de 15 cents. Si ce placement est fait sous forme d’une contribution à un REER, la valeur de l’aide fiscale passe alors à 39 cents par dollar investi.


On ne connaît pas encore le montant réel de la transaction, ni la valeur de la participation du Fonds de solidarité dans le montage financier. Néanmoins, si le Fonds contribue 50 millions $, soit 10 % de la somme totale de la transaction estimée par les commentateurs, il en coûtera entre 7,5 et 19,5 millions $ au trésor québécois. Sans compter que les mêmes déductions s’appliquent également au niveau fédéral. Bien que le gouvernement ne fasse aucun versement en argent sonnant et trébuchant, ces mécanismes fiscaux représentent tout de même un coût puisque l’État renonce à percevoir un revenu. On appelle cela une dépense fiscale.


Mission : créer et conserver des emplois?
À l’origine, ce traitement privilégié a été consenti aux actionnaires du Fonds de solidarité parce que l’objectif premier de celui-ci est de «de créer, maintenir ou sauvegarder des emplois au Québec
[1]». Cette mesure était fort louable dans le contexte de création du Fonds, en 1983, alors que le taux de chômage était de 14,6 %. Mais quels emplois étaient réellement menacés par la vente du club de hockey?


Peut-être que cet investissement répond alors à l’objectif du Fonds de « stimuler l'économie québécoise par des investissements stratégiques »? Cet argument reste à démontrer. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le départ de l’équipe de Montréal ne semble jamais avoir été réellement envisagé. Dans ces conditions, on voit mal comment le dynamisme économique de la métropole puisse servir de prétexte à l’implication du Fonds. Si au moins cet investissement avait servi à amener les Coyotes de Phoenix à Québec, on aurait alors pu évoquer la stimulation économique!


En somme, bien que la transaction annoncée ce weekend recèle de bonnes nouvelles pour les partisans montréalais du club, elle se conclura avec un coût net pour l’ensemble des Québécois. Sans compter qu’elle s’inscrit apparemment en faux avec les objectifs du Fonds de solidarité. Son président-fondateur, Louis Laberge, a dû se retourner dans sa tombe en voyant pour quelles fins le fonds qu’il a créé fait désormais « appel à l'épargne et à la solidarité de l'ensemble de la population québécoise. »


[1] http://www.fondsftq.com/

Wednesday, June 03, 2009

L’arbre fédéral qui cache les forêts provinciales

Voici l'original d'un texte publié aujourd'hui dans La Presse:

François Vaillancourt, Professeur au département d’économie de l’Université de Montréal et fellow au CIRANO

Mathieu Laberge, Économiste et directeur de projet au CIRANO


Suite à la situation économique difficile, un débat fait rage sur les modifications à apporter au programme d’assurance-emploi. A priori, celui-ci est pertinent. Il semble toutefois que ses principaux acteurs aient perdu de vue qu’une récession entraîne non seulement une hausse du nombre de chômeurs, mais également un allongement de la durée moyenne du chômage. Plus tôt que tard, ce problème de nature fédérale pourrait d’ailleurs faire pâtir les finances publiques provinciales.


De fait, une fois leurs prestations d’assurance-emploi épuisées, les chômeurs n’ont d’autre choix que d’avoir recours aux filets sociaux provinciaux pour faire face à leurs obligations financières. Les données statistiques sur le Québec montrent qu’il y a effectivement un transfert de bénéficiaires du programme d’assurance-emploi vers les programmes d’assistance-sociale. Celui-ci survient environ 12 mois après le début de la période de chômage.
(Source de l'image: http://www.recitus.qc.ca)

Un problème potentiel de finances publiques
Ce transfert de prestataires du programme fédéral vers les programmes provinciaux n’est pas sans causer problème. En période de ralentissement économique, la durée moyenne du chômage s’accroît puisque les travailleurs qui ont perdu leur emploi peinent à s’en trouver un nouveau. Si ce scénario se répète à la faveur de la récession actuelle, les gouvernements provinciaux pourraient être confrontés à une hausse marquée des coûts de leur programme d’assistance-sociale. Or, depuis 1996, ceux-ci ne touchent plus de subventions du gouvernement fédéral liées directement aux dépenses d’aide-sociale.


Il est vrai qu’avec l’adoption du dernier budget fédéral, la durée maximale des prestations a temporairement été allongée de 45 à 50 semaines. Pourtant, les propositions de réforme du programme qui ont le plus fait discuter depuis visent surtout une meilleure accessibilité à l’assurance-emploi. De l’abolition du délai de deux semaines avant de recevoir des prestations à l’uniformisation et à la réduction du nombre d’heures travaillées requis pour être admissible, toutes ces propositions méritent certainement d’être considérées. Elles ne répondent toutefois pas au problème de finances publiques engendré par le transfert des prestataires.
Pis encore, elles abordent la révision du programme d’assurance-emploi isolément, sans tenir compte des effets de ces changements sur les incitations données aux travailleurs. Or, toute modification à l’assurance-emploi a un impact sur l’offre de travail et, par ricochet, sur les entrées fiscales des gouvernements. L’adoption d’une modification apparemment mineure à ce programme peut donc résulter dans une baisse des impôts perçus.

Un peu de recul, svp!
Notre propos ne vise pas à ajouter au fardeau que vivent les familles touchées par les pertes d’emploi. Il ne vise pas non plus à nier la nécessaire révision du programme d’assurance-emploi, dont la dernière réforme date de près de 15 ans.


Nous croyons toutefois qu’il importe d’aborder la modification de ce programme avec un certain recul. Pour prendre les meilleures décisions, il faut sous-peser l’efficacité et l’impact de chaque modification envisagée. Est-ce qu’un nombre d’heures travaillées uniforme pour être admissible est souhaitable? Rendra-t-il les prestations d’assurance-emploi plus faciles à obtenir dans des régions du pays au détriment d’une certaine équité interrégionale? Quel impact aurait une abolition du délai de deux semaines sur la prudence des ménages ? Seraient-ils incités à réduire leur épargne pour les jours plus difficiles? Est-ce que l’allongement actuel des prestations sera suffisant pour éviter d’augmenter les dépenses des gouvernements provinciaux déjà accrues par la récession, entre autre pour participer au programme de relance du gouvernement fédéral?

Le risque sur les finances publiques, notamment provinciales, est trop grand pour se permettre d’adopter une réforme à la pièce. Le Globe and Mail a publié récemment une opinion de Charles Cirtwill, de l’institut AIMS, qui proposait de créer une véritable assurance contre le risque de perte d’emploi en temps de récession. Cette assurance complémenterait le programme actuel d’assurance-emploi, sans empêcher la réforme de celui-ci. Voilà exactement le genre de réflexion structurelle qui doit émerger du débat actuel. Pourquoi compromettre l’étude de ces idées en voulant mettre le couvercle sur la marmite d’ici la fin de la session parlementaire à Ottawa, à la fin du mois de juin?

Tuesday, March 03, 2009

Protectionism in Times of Economic Crisis


Here is the original version of a CIRANO Note I published in march:

Protectionism in the United States during the 1929 crisis
In the 1928 presidential election, the Republican candidate Herbert Hoover advocated imposing tariffs on agriculture to relieve the glut created by excess production during the postwar years. His assumption of the presidency set the stage for the principal protectionist measure of the Great Depression, the Smoot-Hawley Tariff adopted by Congress in June of 1930.
[1]

After consultation, tariffs were hiked by more than ten percentage points—particularly targeting agriculture, tobacco and food, chemicals, and textiles. The ad valorem rate rose from 34.61% in 1922 to 42.48% in 1930.[2]

The volume of U.S. imports did not rebound to its 1929 level until 1941, 11 years after adoption of the Smoot-Hawley Tariff. Although the decline in U.S. imports cannot be entirely attributed to these higher rates, there is broad consensus that they exacerbated the depth and duration of the depression. On their own, higher tariffs on U.S. imports would have been responsible for a 4 % to 8 % reduction.[3]

The decline in U.S. imports had far-reaching implications for international trade. In Canada, lumber exports fell by 34 % between 1929 and 1931. This scenario was observed across several other industries, as well: wheat (–3%), seafood (–12%), woollens (–62%), dairy products (–65%) and livestock (–84%).

The adoption of protectionist measures by the United States provided a significant impetus to their spread around the globe after 1930. In that year alone, six general tariffs were revised in Europe. There were adjustments in South America and the Commonwealth (principally Australia, New Zealand and Canada).
[4] The year 1931 was characterized by hundreds of tariff revisions. Most such revisions in the 1930–1931 period were upward.

Analysis of the current situation and similarities with 1929
Fears of resurgent protectionism in the United States of 2009 are based on "Buy American" provisions in President Obama’s recovery plan. These provisions appear to violate NAFTA and international trade rules of the WTO. Overturning these measures or obtaining reparations may, however, require several years, causing considerable damage to foreign producers already hurt by an economic downturn.

Some similarity between President Obama’s stimulus plan and the protectionist measures adopted by the United States in 1929 are worth noting: (1) In February 2008, in the midst of their presidential campaigns, both Democratic candidates evoked the possibility of reopening NAFTA. Protectionist measures could satisfy an electoral imperative in the United States. (2) Prices of commodities and metals have collapsed recently, providing an incentive for a clause to protect the steel and iron industries. (3) International protests suggest that, following a formal challenge to the Buy American clause, temporary retaliatory measures could be adopted pending a trial.

Implications for Quebec and general conclusion
If barriers to international trade were to attain their 1929 levels, exports from Quebec to the United States would fall by about $2 to $4 billion.
[5] This reduction might be concentrated in a few industries already weakened by the economic downturn.

A tariff or a local procurement policy benefits a limited number of local producers while imposing costs that are spread over all consumers. For small open economies—such as Quebec—the net effect of a tariff on imports is always negative. Under these circumstances, the cost borne by society from an overall increase in prices of protected products exceeds the benefit received by domestic producers.


[1] U.S Department of State, Smoot-Hawley Tariff [http://www.future.state.gov], consulted February 6, 2009.
[2] Irwin, D.A., The Smoot-Hawley Tariff: A quantitative assessment in The Review of Economics and Statistics, (80:2) 1998.
[3] Eichengreen, B., Eichengreen, B., The Political Economy of the Smoot-Hawley Tariff, Cambridge (US) : National Bureau of Economic Research, section IV.
[4] Bidwell, P.W., Trade, Tariffs, the Depression in Foreign Affairs, (10:3), 1932.
[5] Based on a 4–8 % decline in U.S. imports and on the value of exports from Quebec to the United States in 2007: http://www.stat.gouv.qc.ca


* * *

CIRANO Notes are part of the transfer documents program at the Center for Interuniversity Research and Analysis on Organizations. These one-page documents summarizes easily and concisely the issue of the subject. All CIRANO Notes since 2007 can be dowloaded at: http://www.cirano.qc.ca/note/index.php?lang=en


(Source de l'image: http://www.inkcinct.com.au/)

Le protectionnisme en temps de crise



Voici le texte de la Note CIRANO que j'ai rédigé pour la publication du mois de mars:

Le protectionnisme américain durant la crise de 1929
Lors de l’élection présidentielle de 1928, le candidat républicain, Herbert Hoover, a plaidé pour un support tarifaire à l’industrie agricole américaine durement touchée par la surproduction d’après-guerre. Le principal geste protectionniste de la Grande Dépression découle de son accession à la présidence américaine. Il s’agit de l’adoption du Smoot-Hawley Tariff par le Congrès américain, en juin 1930
[1].

Après discussion, une augmentation des tarifs de plus de dix points de pourcentage a été votée, notamment dans les industries agricole, du tabac et de la nourriture, des produits chimiques et du textile. Le tarif ad valorem moyen est passé de 34,61 % en 1922 à 42,48 % en 1930
[2].

Le volume des importations américaines ne reviendra à son niveau de 1929 qu’à partir de 1941, soit 11 ans après l’adoption du Smoot-Hawley Tariff. Bien qu’on ne puisse attribuer l’entièreté de la baisse des importations américaines à l’augmentation des tarifs, on considère généralement qu’elle a contribué à rendre la dépression plus longue et plus rigoureuse. L’effet isolé de l’augmentation des tarifs sur les importations américaines se serait traduit par une baisse de 4 % à 8 %
[3].

L’impact de la baisse des exportations américaines sur le commerce international a été important. Au Canada, les exportations de sciages ont diminué de 34 % entre 1929 et 1931. Le même phénomène a été observé dans plusieurs autres industries : blé (-3 %), produits de la mer (-12 %), lainages (-62 %), produits laitiers (-65 %) et bétail (-84 %)
[4].

L’adoption de mesures protectionnistes par les États-Unis a été un facteur important favorisant la propagation de ces mesures dans le monde après 1930. Seulement cette année-là, six tarifs généraux ont été révisés en Europe. Des révisions ont eu cours en Amérique du Sud, dans le Commonwealth (Australie, Nouvelle-Zélande et Canada principalement)
[5]. En 1931, les révisions tarifaires se sont succédé par centaines. La grande majorité des révisions de 1930-1931 étaient à la hausse.

Analyse de la situation actuelle et des similitudes avec 1929
Les craintes de l’adoption de mesures protectionnistes par les États-Unis en 2009 sont fondées sur l’inclusion de la clause dite « Buy American » dans le plan de relance du président Obama. Cette clause semble entrer en contradiction avec l’ALENA et les règles du commerce international de l’OMC. Les démarches pour renverser ces mesures ou obtenir réparations risquent toutefois de prendre plusieurs années, ce qui impliquerait un tort considérable aux producteurs étrangers en pleine période de ralentissement économique.

Certaines similitudes entre le plan de relance du Président Obama et les mesures protectionnistes adoptées par les américains en 1929 méritent d’être soulignées : (1) En février 2008, les deux candidats démocrates à la présidence avaient évoqué l’ouverture du traité de l’ALENA en plein processus électoral. L’adoption de mesures protectionnistes pourrait donc répondre à un impératif électoral chez nos voisins du Sud. (2) Le cours des ressources naturelles et des métaux a chuté récemment, ce qui a pu motiver l’inclusion d’une clause de protection de l’industrie de l’acier et du fer. (3) Les protestations internationales laissent penser que des mesures de rétorsions temporaires pourraient être adoptées en attendant un jugement qui suivrait une contestation officielle de la clause « Buy American ».

Implications pour le Québec et conclusion générale
Si les entraves au commerce international atteignaient le même niveau qu’en 1929, cela impliquerait une diminution des exportations québécoises vers les États-Unis de l’ordre de 2 à 4 milliards $
[6]. Cette réduction risquerait d’être concentrée dans quelques industries déjà affaiblies par le ralentissement économique.

Lors de l’imposition d’un tarif ou d’une politique d’achat local, on fait bénéficier un nombre restreint de producteurs locaux tout en imposant un coût diffus à l’ensemble des consommateurs. Pour les petites économies ouvertes - comme le Québec - l’effet net de l’imposition d’un tarif sur les importations est toujours négatif. Dans ces circonstances, le coût social dû à l’augmentation générale du prix des produits protégés supporté par la société est supérieur au bénéfice obtenu par les producteurs nationaux.

Le Québec, comme le Canada dans son ensemble, doivent éviter les approches protectionnistes, tarifaires ou non, même comme mesure de rétorsion. L’imposition de tarifs par les petites économies ouvertes se traduit toujours par une perte nette, sans compter une escalade possible des mesures de rétorsion qui pourraient être adoptées par les partenaires commerciaux.


[1] U.S Department of State, Smoot-Hawley Tariff [http://www.future.state.gov] accédé le 6 février 2009
[2] Irwin, D.A., The Smoot-Hawley Tariff : A quantitative assessment in The Review of Economics and Statistics, (80:2) 1998.
[3] Eichengreen, B., Eichengreen, B., The Political Economy of the Smoot-Hawley Tariff, Cambridge (US) : National Bureau of Economic Research, section IV.
[4] McDonald J.A. et al., Trade Wars : Canada’s reaction to the Smoot-Hawley Tariff in The Journal of Economic History, (57:4), 1997.
[5] Bidwell, P.W., Trade, Tariffs, the Depression in Foreign Affairs, (10:3), 1932.
[6] Fondé sur une diminution de 4 à 8 % des importations américaines et sur la valeur des exportations québécoises à destination des États-Unis en 2007 : http://www.stat.gouv.qc.ca

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Les Notes CIRANO font partie de la série de documents de transfert du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations. Elles abordent de façon succincte et claire les sujets qui font l'objet de recherche au CIRANO. On peut consulter l'ensemble des Notes CIRANO depuis 2007 à l'adresse suivante: http://www.cirano.qc.ca/note/index.php?lang=fr

(Source de l'image: http://www.inkcinct.com.au/)

Wednesday, February 18, 2009

Fini le protectionnisme américain, vraiment? | No more American protectionism, really?

Plusieurs commentateurs ont célébré le prétendu recul du Congrès américain sur les mesures protectionnistes prévues par le plan de soutient à l'économie américaine. En cours de processus, on a effectivement ajouté un alinéa à la clause "Buy American" stipulant que l'application de la clause devait respecter les engagements des États-Unis en matière de commerce internationale. So far, so good: les commentateurs ont commencé à se réjouir!
Voici pourtant deux éléments qui, à mon grand étonnement!, sont passés complètement inaperçu chez l'écrasante majorité des commentateurs "économiques":
(1) Alors qu'au départ, seules les industries du fer et de l'acier étaient couvertes par la clause "Buy American", maintenant toute l'industrie manufacturière est couverte! Tout en ajoutant un alinéa interdisant le protectionnisme, le Congrès a donc étendu la politique d'achat local à une part importante de l'économie américaine!
(2) Le gouvernement fédéral américain n'a pas d'emprise sur les dépenses des États et des municipalités. La clause "Buy American" lance donc l'idée de politiques protectionnistes, sans imposer le respect des engagements internationaux à tous les paliers de gouvernement. Bref, les États et les villes américaines pourront privilégier les fournisseurs américains au détriment des entreprises canadiennes.
Pour vous "rassurer", vous pouvez aller consulter le texte complet de la législation. La clause "Buy American" se trouve dans le premier document pdf...

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Several commentators celebrated the so-called retreat of the American Congress on the protectionist measures included in the US recovery plan. During the adoption process, a subparagraph was added to the " Buy American" clause stipulating that it has to respect international trade engagements of the United States . So far, so good: the commentators were delighted!

However here are two elements which, with my great astonishment! , were ignored by most of the "economic" commentators:

(1) At the beginning, only iron and steel industries were covered by the " Buy American" clause. Now, all the manufacturing industry is covered! While adding a subparagraph prohibiting protectionism, the Congress thus extended the policy of local purchase to a major part of the US economy!

(2) In the US, federal government have no power over municipal and State expenditures. The " Buy American" clause thus launch the idea of protectionist policies, without imposing the respect of international engagements to all levels of government. In short, the States and the American cities will be able to privilege the American suppliers with the detriment of the Canadian companies.

You can go to consult the complete text of the legislation. The clause " Buy American" is in first document pdf…

Monday, February 16, 2009

Non, nous ne sommes pas des perdants! | No, we're not loosers!


La joute sémantique qui tourne autour de la reconstitution de la bataille des pleines d'Abraham, qui a eu lieu il y a 250 ans cette année, a quelque chose de suréaliste. Mes amis souverainistes soutiennent qu'on ne peut célébrer/commémorer/fêter (choisissez le mot que vous préférez!) une défaite. Ils en rajoutent en prétendant que d'organiser une reconstitution de la bataille constitue une humiliation de la nation perdante: nous, les Québécois. Il n'y a rien de plus faux!

D'abord, il s'agit d'un raccourci idéologique de prétendre que, parce que les français ont perdus en 1759, cette défaite rejaillit encore aujourd'hui sur l'ensemble des Québécois. N'en déplaise aux Falardeau, Poulin et autres "ndépendantistes adolescents" de ce monde, leur point de vue est réducteur. Dans ce débat sémantique, ce sont eux qui font preuve de colonialisme en essayant encore de s'assimiler à la "mère-patrie". Pour ma part, je préfère m'assumer pleinement en tant que Québécois: francophone vivant en Amérique, citoyen canadien... et surtout pas un perdant!

Cette façon de présenter les choses qu'ont les purzédurs fait ombre à un pan complet de notre histoire. Tout compte fait, si les Français d'hier ont perdu la Bataille des Plaine, cela a eu des impacts positifs pour les Québécois d'aujourd'hui. Trop occupés à glorifier la "mère-patrie", plusieurs indépendantistes radicaux oublient que la Nouvelle-France était une colonie-comptoir: la couronne française la spoliait de ses ressources. Elle n'avait pas de plan pour la développer et assurer sa survie. L'arrivée du régime britannique, bien qu'il représente une cassure, a permis d'installer un régime de droit civil, de développer le commerce et l'utilisation des ressources du pays. Bref, de développer le Québec...

Bien sûr, la transition n'a pas été facile: il y a eu des ratées et des coups durs pour les francophones d'Amérique du Nord. Il ne faut évidemment pas oublier cet aspect de notre passé... mais il ne faut pas non plus s'aveugler et ignorer l'ampleur du chemin parcouru depuis. Le Québec d'aujourd'hui tire ses racines autant, sinon plus, de la prospérité amenée par le régime britannique que par la colonisation française.


* * *

The semantic debate surrounding the reconstitution of the battle of Quebec, which took place 250 years ago this year, has something surealist. My independentist friends plead that one cannot celebrate/commemorate a defeat. They claim that organizing a reconstitution of the battle constitutes a humiliation of the losing nation: us, Quebecois. Nothing can be more wrong!

It is an ideological short cut to claim that, because the French lost in 1759, this defeat still flashes back today on Quebecois. It might be unpleasant to all the Falardeau, Poulin and others "teen-independentists" of this world, but their point of view is reducing. In this semantic debate, it is them who show colonialism by still trying to get bounded to the "mère-patrie". For my part, I prefer to assume fully my identity as a Quebecois: French-speaking person living in America, Canadian citizen… all sort of things but a looser!
The way the purzédurs present the events shade a complete side of our history. In the final analysis, if the French of yesterday lost the Battle of Quebec, that had positive impacts for today's Quebecois. Too occupied with glorifying the "mère-patrie", many radical independentists forget that the Nouvelle-France was a colony-counter: the French crown spoiled it from its resources. It did not have a plan to develop it and ensure its survival. The arrival of the British regime, even though it was a break with the past, allowed to install a regime of civil law, to develop trade and to use the resources of the country. In short, to develop Quebec…

Of course, the transition was not easy: there were difficulties and tough times for French-speaking people in North America. Obviously, we have to keep this in mind… but we need not to be ignorant of what happened since then. Today's Quebec takes its roots as much, if not more, from the prosperity brought by the British regime than from French colonization.
(source de l'image: http://www.smhq.org/)

Wednesday, February 11, 2009

7 cents pour faire lire les jeunes | 7 cents to make young people read


Grand scandale cette semaine: le Ministère de l'Éducation a versé 250 000 $ au Club le Canadien de Montréal pour la réalisation de matériel pédagogique célébrant les 100 ans de l'équipe. Le scandale: le gouvernement a contribué à payer une campagne de promotion... "C'est indécent!", "Du pur pétage de bretelle.", "Qu'on leur fasse lire des romans.": l'indignation fuse de toutes parts.
Nuance importante: le matériel n'était pas distribué directement au enfants. Les enseignants avaient le choix de l'utiliser ou non. Un adulte responsable avait donc la possibilité de juger de la pertinence du matériel.
Pour remettre les choses en perspectives, 250 000 $ pour l'État québécois équivaut à 15 cents pour un ménage qui gagne 40 000 $ par année! Autre façon de voir les choses: si chaque contribuable imposable (donc qui paie des impôts) avait eu à verser de sa poche ce montant, il lui en aurait coûté 7 cents... Parle-t-on d'une tempête dans un verre d'eau ici? Poser la question, c'est y répondre! Certaines subventions beaucoup plus importantes sont aussi beaucoup plus douteuses sans qu'on en fasse un cas de conscience.
Le fait est que ces fascicules, même s'ils font la promotion d'une organisation privée, incitent les jeunes à lire, écrire et compter. Donc, à s'intéresser aux matières scolaires. Chez les jeunes garçons, cet impact n'est pas négligeable. Surtout quand on a appris, cette semaine, que plus d'un tiers des garçons quittaient l'école secondaire sans diplôme. Est-ce que leur faire lire des romans atteindrait le même objectif? Pas certain: il faut bien commencer quelque part.
Alors, suis-je prêt à dépenser 7 cents pour inciter les jeunes à apprendre à lire, écrire et compter sous la supervision d'un adulte responsable. Certainement! Je suis même prêt à en dépenser 15. Qui dit mieux?

* * *

Breaking News! The Department of Education contributed $ 250 000 to the Montreal Canadiens for the production of school material. The problem? The money was used to design a so-called promotion campaing. "Indecency!" "Show off." "Make them read novels." were the reactions.
Important detail: the material was not distributed directly to the students. Teachers were free to use it or not. A responsible adult had the authority to judge of its usefulness.
To put things in perspectives, $ 250 000 for Quebec government is equivalent to 15 cents for a household earning $ 40 000 a year! Another to see it is the following: if every net taxpayer had to finance this program for its own pocket, it would've cost 7 cents. Is this a scandal? Asking the questions is giving the answer... Some subsidies cost much more and are useless without making the front page of any newspaper.
The fact is, however the papers are promoting a private organization, they incite young people to learn how to read, write and calculate. For young males, the impact of such a program might not be negligeable. No later than this week, data showed that more than a third of young male were leaving high school without any diploma. Is reading novels will have the same effect? I doubt of it: we have to start from a realistic point.
So, am I willing to pay 7 cents to incite young people to read, write and calculte under the supervision of a responsible adult? Sure! I am even willing to pay 15 cents! Who gives more?
(photo: wikipedia)

Tuesday, February 03, 2009

Le tabou Hydro-Québec | Hydro Quebec big "no no"


L'Institut économique de Montréal s'apprête à relancer la polémique sur la privatisation d'Hydro-Québec ce midi à l'occasion d'un lunch-conférence intitulé: "La privatisation d’Hydro-Québec: une source d'enrichissement pour les citoyens du Québec". Déjà, Denis Lessard faisait état de certaines des trouvailles du think tank dans les pages de La Presse, hier.

Je n'ai pas encore lu le rapport de l'Institut, mais la couverture de presse qui en ressort depuis hier me fait craindre le pire: on a met le paquet sur la privatisation de la société d'État, alors que le principal problème d'Hydro-Québec est sa structure de monopole. Il s'agit également du problème le plus difficile à résoudre.

Effectivement, Hydro-Québec distribution est la seule entité ayant la possibilité de vendre de l'électricité sur le territoire québécois. Or, si on privatise la société d'État sans permettre à d'autres fournisseurs de la compétitionner ne sert à rien: public ou privé, un monopole demeure un monopole. Et c'est là que le bât blesse...

Comme l'expliquait sur les ondes de RDI Jean-Thomas Bernard, de l'Université Laval, il sera bien difficile d'attiser la concurrence dans le domaine de l'électricité au Québec et, ainsi, briser le monopole d'Hydro-Québec. Deux solutions sont possibles: (1) la compétition extérieure ou (2) la compétition intérieure.

Selon Bernard, les lignes de transport actuelles ne sont pas suffisantes pour permettre à des concurrents étrangers de compétitionner suffisamment Hydro-Québec pour réduire son pouvoir de marché. Quant à la compétition interne, les deux grands sites de production électrique du Québec, la Baie James et le complexe Manicouagan-Outarde, sont propriétés de la société d'État.

En somme, c'est bien beau jaser de privatiser Hydro-Québec, mais cela ne sera possible que si on trouve une façon de remédier au vrai problème de la société d'État: sa structure de monopole.

* * *

The Montreal Economic Institute will bring back today the big debate about Hydro-Quebec privatization in a lunch conference titled: "The Privatization of Hydro-Québec: a source of wealth for Quebec’s population". Yesterday, Denis Lessard wrote a paper about the research in La Presse (in French).

From what I have seen from the press coverage since yesterday, I am a bit afraid we will put too much emphasis on privatizing the Crown corporation when its real problem is its monopolistic structure. It is also the most difficult problem to solve.

In fact, Hydro-Quebec distribution is the only entity able to sell electricity on Quebec's territory. If we try selling Hydro-Quebec without allowing more competition before, we solve nothing: public or private, a monopoly remains a monopoly.

As prof. Jean-Thomas Bernard, from Université Laval, said on RDI there are two ways to increase competition on the electricity market in Quebec: (1) allowing foreign competitors to sell their electricty in Quebec or (2) allowing more producers inside Quebec borders.

According to Bernard, the electricity transport infrastructures between Quebec and its neighbours are too small to allow effective competition from foreign producers. As for the internal competition, the two main electricity complexes in Quebec (Baie James and Manicouagan-Outarde) are detained by Hydro-Quebec.

Bottom line: it is good thinking about the privatization of Hydro-Quebec, but it remains small talks as long as we do not solve the real problem: its monopolistic structure.
(photo: Les Affaires TV)

Tuesday, January 20, 2009

The supernurse's myth

Here is the executive summary of the last study I published at CIRANO. The complete paper was released on january 19th and is available at: http://www.cirano.qc.ca
The existence of a nursing shortage is now widely recognized and accepted by the vast majority of stakeholders and citizens, but the context in which nurses actually practise their trade remains veiled behind tenacious taboos. In fact, if Quebec nurses functioned at a labour intensity comparable to that of their colleagues elsewhere in Canada and abroad, we might find that a significant share of the nursing shortage was eliminated by means other than training new personnel—though this must remain a key element of any strategy for reducing the shortfall. The purpose of this study is to sketch out the context of the practice and shortage of the nursing workforce in Quebec. Our main findings follow. For more information, please consult the complete study (in French) at http://www.cirano.qc.ca.

-By any standard of comparison—Quebec, Canadian, and International—nurses don’t work very much
In 2007, Quebec nurses averaged 28 effective hours of work per week. In contrast, employees of the Quebec public service worked an average of 30.2 effective hours per week (7.9 % more than nurses) while the mean for the federal civil service was 31.3 hours per week (11.8 % more) in 2008.

The labour intensity of Quebec nurses is also below that of their colleagues in the rest of Canada. Nurses in Ontario work an average of 31.3 hours, while in the ROC this number is 30.9 hours. This amounts to a difference of 12 % with Ontario nurses and 10 % with those in the ROC. This number of hours includes all employed nurses, whether or not they were working at the time of the survey.
Among 10 international jurisdictions, aside from Australia it is in Quebec where nurses work the smallest number of contracted hours. For example, in the United States nurses habitually work 38.5 hours on average, 15.2 % more than in Quebec. The corresponding percentages are 13.1 % for the United Kingdom and 6.8 % for France (see graphique 6).
[2]

- They do not work more overtime than nurses elsewhere in Canada
In 2007, while Quebec nurses worked an average of 1.76 overtime hours per week, the corresponding value was 1.77 in Ontario and 1.8 in the ROC (see graphique 7).

- The myth of the “super-nurse” is largely hyperbole: 0.9 % of nurses work 500 or more hours of overtime in a year (or 9 hours per week in FTE). This amounts to 628 nurses out of a workforce of nearly 70,000!

Data from the MSSS (le Ministère de la Santé et des Services sociaux, Quebec’s Ministry of Health and Social Services) reveals that 83.1 % of the nursing workforce puts in less than 100 overtime hours annually (1.9 hours per week in FTE) and that 0.9 % works over 500 hours of overtime per year (9.6 hours per week in FTE). Thus, the ministry finds that the median value of overtime hours (19 hours per year) is far below the mean.
[3] This data suggests that there are 628 “super-nurses” among the 69,765 nurses belonging to OIIQ.

- The likely causes of the low work intensity of nurses is: a greater proportion of part-time work than in other sectors …

Except during the period 1999–2000, the proportion of full-time nurses has always been lower in Quebec than in Ontario and, compared to the ROC, Quebec has always had proportionally fewer nurses working full time. However, like in Ontario and the ROC, the proportion of full-time nurses has grown steadily since 1997 (see graphique 8).

It is worth noting that 15.3 % of Quebec nurses who were working part time did so because they were unable to find full-time work or for other reasons related to labour market conditions. Among nurses under 35 years of age, this proportion falls to 21.2 %, meaning that more than one nurse in five at the beginning of their careers were unable to find a full-time job.

- … And more frequent and longer absences.

In monthly data gathered by LFS for 2007, 17.5 % of Quebec nurses declared themselves employed but absent from work, compared to 11.4 % in Ontario and 12.6 % in the ROC. From 1997 to 2007, this proportion generally remained between 14 % and 18 % in Quebec and between 12 % and 14 % in the ROC (See graphique 9). It is important to note that these absences were due to injuries and illnesses as well as holidays and annual vacations.

When they were longer than one full week, the spells of absence of Quebec nurses also outlasted those in other Canadian provinces: 15.5 weeks on average versus 12.6 in Ontario and 12.2 in the ROC (See graphique 10).

Overall, Quebec nurses work long hours when they are on the job. Allocating the 1462 hours annually to 36.5 weeks present on the job yields the equivalent of 40 hours worked per week. However, expressing the nurses’ work effort like this conceals a conceptual flaw: In a sense, it is equivalent to implying that Quebec’s healthcare system only operates at full capacity 36.5 weeks per year. In short … that it is shut down the remaining 15.5 weeks. This is unreasonable.

- The edge Quebec nurses enjoy over the rest of the population in comparisons of wage conditions and the wealth gap has always lagged behind the corresponding values in Ontario and the ROC, but this discrepancy has been growing since 2003.

That is not to say that Quebec nurses want to work less than their colleagues in the ROC, however. They are simply responding to the institutional and pecuniary incentives offered to them.

Until 2003, the real hourly wage of Quebec nurses was comparable to that of nurses in the ROC. As of 2003, however, the hourly compensation to Quebec nurses has increasingly diverged from that paid to nurses in the ROC, to the point that, in 2007, the mean hourly wage of Quebec nurses was no more than 86.9 % of the mean hourly wage of nurses in other provinces ($4.43 less in real terms). In 1997, the difference between these two hourly wages was $0.03 in real terms!

While nurses in Ontario were earning 145 % of the mean wage of that provinces’ population in 2006, their Quebec counterparts only received 137.5 % of Quebeckers’ mean wage (148.6 % for the ROC). This means that Quebec’s nurses do not enjoy the same standard of living premium over the population as a whole as do other nurses in Canada (See graphique 12).

- The shortfall computed by the MSSS is not real: The normal definition of a shortage is a discrepancy between the quantity supplied and the quantity demanded

As the method described in the document explains, the shortfall as calculated by the MSSS does not correspond to the traditional definition of a shortage, because it ignores the demand for healthcare services.
Thus, the conceptual framework of their calculations centres on containing or reducing nurses’ workloads rather than increasing healthcare services to the population. Since only overtime hours are accounted for in the determination of the extent of the shortage, the needs reflected by the Ministry’s method of calculation are designed to eliminate excessive overtime hours. However, if all we want to do is eliminate an excess of overtime hours, we will not be providing any additional services to the population.

- The methodological choices of the MSSS for computing the shortage result in an overestimation of 17 %

Since the MSSS expresses the shortfall in terms of the effective workload the data they publish on the shortfall are overestimated because they do not represent the real work performed by nurses.
One method that would yield a more representative snapshot of the practical reality of the nursing workforce, as a first approximation, would be to express the shortage in terms of the effective workload. This would capture the real work effort provided by Quebec nurses, including overtime hours and absences, which the current method does not. This procedure, though flawed because it might not account for what is needed to satisfy the demands of the healthcare system, would be a methodological improvement in that it expresses the shortage as a function of hours effectively worked, and not only in terms of regular working hours. This would have the effect of reducing the shortage by between 16 % and 18 %, depending on the region.
This choice is all the more appropriate to the extent that the hours effectively worked by Quebec nurses are lower than those of their colleagues in the ROC. Thus, an increase in the work intensity of Quebec nurses would contribute to reducing the shortage.

- If we were to match the labour intensity of Ontario nurses, the shortage as expressed by the MSSS would decline by 25.4 % (–10 % for the “corrected” shortfall).

Scenario 2 would raise the number of annual effective hours to an average of 1634.8. Reaching the goal of Scenario 2 would reduce the shortage, in its current form, by 458 individuals, or 25.4 %, if we include the methodological correction. In view of the corrected shortfall, the increased labour intensity described by scenario 2 would allow recruitment needs for the entire province to be reduced by 10.6 %. Reaching the targets of scenario 2 would certainly require an increase in the proportion of nurses working full time to levels comparable to those in Ontario.

- There are many ways to increase the intensity of labour: improving compensation (especially for those coming out of retirement), encouraging part-time nurses to mix public and private sector employment (one young graduate in five is working part-time for lack of a full-time job), the creation of full-time jobs, auctions of free shifts in the very short term (momentary absences), etc.

Le mythe de la superinfirmière

Voici le résumé exécutif de mon dernier rapport de projet publié au CIRANO. Celui-ci porte sur la pénurie et le contexte de pratique des effectifs infirmiers au Québec. L'étude complète a été rendue publique le 19 janvier et est disponible au: http://www.cirano.qc.ca
L’existence d’une pénurie des effectifs infirmiers est désormais reconnue et acceptée par la vaste majorité des intervenants et des citoyens, mais le contexte de pratique du personnel infirmier fait encore l’objet de tabous tenaces. De fait, si les infirmières québécoises rejoignaient une intensivité du travail comparable à celle de leurs collègues du reste du Canada ou d’autres pays, on peut croire qu’une part sensible de la pénurie d’effectifs pourrait se régler par des moyens autres que la formation de nouveaux effectifs, bien que celle-ci demeure une stratégie importante de réduction de la pénurie. Cette étude vise à dresser un portrait du contexte de pratique et de la pénurie des effectifs infirmiers au Québec. En voici les principaux constats. Pour de plus amples détails, consulter l’étude complète à http://www.cirano.qc.ca

- Les infirmières travaillent peu selon tous les standards de comparaison : québécois, canadiens et internationaux
En 2007, les infirmières québécoises ont travaillé 28 heures effectives par semaine en moyenne. À titre de comparaison, l’ensemble des travailleurs de l’administration québécoise travaillaient en moyenne 30,2 heures effectives par semaine (7,9 % de plus que les infirmières) alors que ceux de l’administration fédérale travaillaient en moyenne 31,3 heures par semaine (11,8 % de plus) en 2008
[1].
L’intensité du travail des infirmières québécoises est également moindre que celle de leurs collègues du reste du Canada. Les infirmières ontariennes travaillent en moyenne 31,3 heures alors que dans le ROC, ce nombre est de 30,9 heures. Il s’agit d’une différence de 12 % avec les infirmières ontariennes et de 10 % avec celles du ROC. Ces nombres d’heures incluent toutes les infirmières employées, qu’elles aient travaillé un nombre d’heures nul ou positif lors de l’enquête.
Parmi 10 juridictions internationales, c’est au Québec que les infirmières ont le moins d’heures contractées de travail après l’Australie. Par exemple, aux États-Unis, les infirmières travaillent habituellement 38,5 heures en moyenne, soit 15,2 % de plus qu’au Québec. Ce pourcentage passe à 13,1 % pour le Royaume-Uni et à 6,8 % pour la France (voir graphique 6)
[2].

- Elles ne font pas plus de temps supplémentaire que les infirmières d'ailleurs au Canada
Alors qu’en 2007 les infirmières québécoises travaillaient en moyenne 1,76 heure supplémentaire par semaine, ce nombre était de 1,77 heure en Ontario et de 1,8 heure dans le ROC (voir graphique 7).

- Le mythe de la "super-infirmière" est largement surfait : 0,9 % des effectifs fait 500 heures supplémentaires ou plus par année (donc 9 par semaine en ETC). Il s'agit de 628 infirmières sur un effectif de près de 70 000!


Les données du MSSS démontrent que 83,1 % de l’effectif infirmier travaille moins de 100 heures supplémentaires par année (1,9 heure supplémentaire hebdomadaire en ETC) et que 0,9 % de l’effectif travaille plus de 500 heures supplémentaires en une année (9,6 heures par semaine en ETC). Le ministère trouve donc une médiane des heures supplémentaires (19 heures par année) largement inférieure à la moyenne
[3]. Ces données laissent donc entendre que sur les 69 765 infirmières inscrites à l’OIIQ, il y aurait 628 « super-infirmières ».


- Les causes probables de la faible intensité du travail des infirmières sont : une plus grande proportion de travail à temps partiel qu'ailleurs…

Exception faite de 1999 et 2000, la proportion d’infirmières à temps plein au Québec a toujours été moindre qu’en Ontario. Comparativement au ROC, le Québec a toujours eu proportionnellement moins d’infirmières qui travaillaient à temps plein. La proportion d’infirmières à temps plein a cependant connu une progression constante depuis 1997, comme en Ontario et dans le ROC (voir graphique 8).

Il est bon de noter que 15,3 % des infirmières québécoises qui travaillaient à temps partiel le faisaient parce qu’elles ne réussissaient pas à trouver de travail à temps plein ou à cause d’autres raisons reliées aux conditions du marché de l’emploi. Chez les infirmières de moins de 35 ans, cette proportion passe à 21,2 %. Cela signifie que plus d’une infirmière en début de carrière sur cinq n’a pas réussi à se trouver un emploi à temps plein.


- … Et des absences plus fréquentes et plus longues.

Lors des collectes mensuelles de données de l’EPA pour 2007, il y a eu 17,5 % des infirmières québécoises qui se sont déclarées employées, mais absentes du travail comparativement à une proportion de 11,4 % en Ontario et de 12,6 % dans le ROC. De 1997 à 2007, cette proportion est généralement restée entre 14 % et 18 % au Québec, alors qu’elle se situait plutôt entre 12 % et 14 % dans le ROC (voir graphique 9). Il est important de noter que les absences dans ce cas-ci incluent les blessures et maladies ainsi que les congés civiques et les vacances annuelles.

Lorsqu’elles s’absentaient pour une semaine complète, les infirmières québécoises s’absentaient également plus longtemps que celles des autres provinces canadiennes, soit 15,5 semaines en moyenne contre 12,6 en Ontario et 12,2 dans le ROC (voir graphique 10).

En sommes, les infirmières québécoises travaillent un nombre d’heures important lorsqu’elles sont présentes au travail. Si on exprime les 1 462 heures annuelles sur 36,5 semaines travaillées, cela équivaut à 40 heures travaillées par semaine de présence. Il y a cependant un vice conceptuel à exprimer l’effort de travail des infirmières de cette façon : cela équivaut en quelque sorte à prétendre que le réseau de santé du Québec ne fonctionne à plein régime que 36,5 semaines par année. Bref, qu’il soit fermé les 15,5 semaines restantes, cela n’est pas raisonnable.

- Les conditions salariales et l'écart de richesse des infirmières par rapport à l'ensemble de la population ont toujours été plus faibles au Québec qu'en Ontario ou dans le ROC, mais l’écart s’est agrandi depuis 2003.

Les infirmières du Québec ne désirent pas pour autant travailler moins que leurs collègues du ROC. Elles réagissent simplement aux incitations institutionnelles et salariales qui leur sont offertes.

Jusqu’en 2003, le salaire horaire réel des infirmières québécoises s’est maintenu près de celui des infirmières du reste du Canada. À partir de 2003, toutefois, l’écart entre la rémunération horaire des infirmières québécoises et celle des infirmières du ROC a commencé à s’accroître de façon importante. Tant et si bien qu’en 2007, le salaire horaire moyen des infirmières québécoises ne représentait plus que 86,9 % du salaire horaire moyen des infirmières des autres provinces (4,43 $ de moins en termes réels). En 1997, la différence entre les deux salaires horaires était de 0,03 $ en termes réels!

Alors que les infirmières ontariennes gagnaient 145 % du salaire horaire moyen de la population ontarienne en 2006, celles du Québec ne gagnaient que 137,5 % du salaire horaire moyen de la population québécoise (148,6 % pour le ROC). C’est donc dire que les infirmières québécoises ne profitent pas du même écart de niveau de vie par rapport à l’ensemble de la population que les autres infirmières du pays (voir graphique 12).

- La pénurie calculée par le MSSS n'en est pas une : normalement, une pénurie consiste en une divergence entre la quantité offerte et la quantité demandée

Comme la méthode décrite dans le document l’exprime, le calcul de la pénurie tel qu’effectué par le MSSS ne correspond pas à la définition traditionnelle d’une pénurie puisqu’il ne tient pas compte de la demande pour les services de santé.
Ainsi, le cadre conceptuel du calcul vise plutôt à maintenir, voire à réduire, la tâche des infirmières plutôt que d’accroître les services de santé à la population. Comme seules les heures supplémentaires sont tenues en compte pour déterminer l’ampleur de la pénurie, les besoins exprimés par la méthode de calcul retenue par le ministère visent à éliminer les heures supplémentaires excédentaires. Or, si on ne se contente que d’éliminer les heures supplémentaires excédentaires, on ne fournit aucun service supplémentaire à la population.

- Les choix méthodologiques du calcul de la pénurie par le MSSS causent une surestimation de 17 %

Comme le MSSS exprime la pénurie d’infirmières en « équivalent infirmière moyenne » les données publiées sur la pénurie sont surestimées parce qu’elles ne représentent pas le travail réel effectué par les infirmières.
Une méthode qui permettrait de donner un portrait plus fidèle de la réalité du contexte de pratique des effectifs infirmiers serait, dans un premier temps, d’exprimer la pénurie en « équivalent infirmière effective». Cela permettrait de refléter l’effort de travail réel des infirmières québécoises, incluant les heures supplémentaires et les absences, ce que ne fait pas la méthode actuelle. Cette façon de faire, bien qu’imparfaite parce qu’elle ne tiendrait toujours pas compte des besoins pour répondre à la demande de soins de santé, serait méthodologiquement meilleure puisqu’elle exprimerait la pénurie en fonction des heures effectivement travaillées et non seulement en fonction des heures régulières travaillées. Cela aurait pour effet de réduire la pénurie entre 16 % et 18 %, selon les régions.
Ce choix serait d’autant plus avisé que les heures effectives travaillées par les infirmières québécoises sont inférieures à celles effectuées par leurs collègues du reste du Canada. Ainsi, une augmentation de l’intensité du travail des infirmières québécoises diminuerait d’autant plus la pénurie.

- Si on rejoignait l'intensité du travail des infirmières ontariennes, la pénurie telle qu'exprimée par le MSSS diminuerait de 25,4 % (-10 % pour la pénurie "corrigée")

Le scénario 2 ferait passer le nombre d’heures effectives annuelles à 1 634,8 en moyenne. L’atteinte de l’objectif du scénario 2 permettrait de réduire la pénurie telle qu’exprimée actuellement de 458 individus, soit de 25,4 % en incluant la correction méthodologique. Par rapport à la pénurie corrigée, l’augmentation de l’intensité du travail telle que décrite par le scénario 2 permettrait de réduire les besoins de recrutement de 10,6 % à l’échelle provinciale. L’atteinte des objectifs du scénario 2 demanderait certainement d’augmenter la proportion d’infirmières travaillant à temps plein à des niveaux comparables à ceux de l’Ontario.Les solutions pour accroître l'intensité du travail sont multiples : bonification des conditions salariales (notamment aux retours de retraite), encouragement de la mixité de pratique publique-privée pour les infirmières à temps partiel (1 jeune diplômée sur 5 travaille à temps partiel à défaut de trouver un emploi à temps plein), création de postes à temps plein, mise aux enchères des quarts libres à très court terme (absences momentanées), etc.