Wednesday, September 09, 2009

Bons constats, mauvaises solutions: l'industrie forestière en question

Voici une Note CIRANO que j'ai publié récemment.

Pendant longtemps, on a considéré dans certains milieux que seule une diminution du volume de coupes pouvait limiter les conséquences environnementales de l’exploitation forestière. L’évolution récente des produits développés dans certains secteurs de l’industrie démontrent qu’il est désormais possible d’utiliser à meilleur escient la ressource et de minimiser le gaspillage qui était autrefois associé à son exploitation. Cette évolution laisse donc entrevoir une alternative à la réduction du volume de coupes. (Source de l'image: www.lesaffaires.com)

DES ALTERNATIVES TECHNOLOGIQUES
L’émergence du secteur des produits du bois pourrait encourager le développement de nouveaux produits mieux adaptés aux demandes des consommateurs. Ces produits sont souvent composés de matières qui autrefois étaient simplement considérés comme des résidus. Par exemple, les produits en bois lamellé-collé, les poutrelles en I, les solives de toit ajourées et les panneaux prémoulés à haute densité sont des produits du bois à haute valeur ajoutée qui peuvent permettre de valoriser une partie de la ressource qui serait gaspillée autrement.


De son côté, l’industrie des pâtes et papier devra identifier de nouveaux créneaux technologiques de développement, notamment dans les domaines des biotechnologies et des nanotechnologies, pour assurer sa relance. Dans le premier cas, on peut penser à des initiatives de cogénération d’énergie où la vapeur créée en brûlant des matières résiduelles comme l’écorce des arbres permettrait à la fois d’alimenter une turbine de production électrique et les séchoirs de pâtes à papier. Dans le cas des nanotechnologies, l’exemple le plus évocateur est l’utilisation des nano-fibres issues de la cellulose du bois pour renforcer les plastiques. Celles-ci pourraient par exemple remplacer la fibre de verre dans la fabrication de pare-chocs automobile. À terme, certaines usines de pâtes et papiers pourraient se transformer en bio raffineries qui produiraient des nano-fibres de cellulose, qui offrent un rendement très élevé. Les résidus, des sucres et de la lignine, pourraient être utilisés pour fabriquer du méthanol et des abat-poussière routiers.



UNE ÉVOLUTION HÉTÉROGÈNE
Cette transformation de l’offre de produits du bois se traduit dans les indicateurs économiques de chaque segment de l’industrie. Ainsi, le secteur des produits du bois a connu une hausse de 2,3 % de la valeur de ses livraisons et de 6,1 % de sa valeur ajoutée par année, depuis 2000. Cela s’est accompagné d’une hausse de la productivité et de l’emploi, ainsi qu’une stabilisation des conditions salariales des employés.


Au contraire, le secteur des pâtes et papiers a connu une décroissance rapide de tous ces indicateu
rs au cours des dernières années. Sa valeur ajoutée a connu une diminution annuelle moyenne de 8,7 % et la valeur de ses livraisons a diminué de 4,2 %. Les secteurs du bois d’œuvre et de l’exploitation forestière font plutôt figure de cas mitoyens.

En somme, tous les secteurs de l’industrie forestière ne vivent pas la même réalité. Conséquemment, ils n’ont pas besoin du même support de la part des pouvoirs publics. Bien qu’ils aient connu des difficultés dans le passé, les secteurs de l’exploitation forestière et des produits du bois ont fait des progrès importants. Il semble néanmoins nécessaire de venir en aide aux travailleurs touchés par la crise structurelle dans le secteur des pâtes et papiers ainsi que ceux touchés par la crise conjoncturelle dans le secteur du bois d’œuvre. Ce support ne signifie toutefois pas de maintenir à flot des entreprises qui font preuve d’une incapacité à s’adapter à la nouvelle donne de l’industrie.



UNE AIDE MIEUX CIBLÉE
Alors que la réorganisation dans le secteur des pâtes et papiers est en cours depuis déjà plusieurs années, les gouvernements ont pris prétexte de la récession pour verser de nouvelles aides financières aux papetières et à l’industrie forestière. Pourtant, on peut croire que les interventions gouvernementales n’auront que peu d’impact sur l’issue de la transformation industrielle en cours dans ce secteur. De fait, cette restructuration est nécessaire et elle se poursuivra après la récession, au même titre qu’elle a débuté bien avant celle-ci.


Dans le contexte où les différents secteurs de l’industrie du bois évoluent de façon divergente, un questionnement fondamental se pose en regard des politiques publiques adoptées jusqu’ici. Serait-il plus judicieux d’utiliser les deniers publics pour favoriser la recherche et le développement de nouveaux produits du bois à haute valeur ajoutée? Vaut-il mieux aider une industrie naissante que de maintenir sur le « respirateur artificiel » un secteur incapable de faire face à la concurrence internationale?
Le rapport Bourgogne qui est à l'origine de cette Note peut être consulté au: