Malgré ce qu’en disent les leaders étudiants, les Québécois ont voté pour le dégel des droits de scolarité
Mathieu LABERGE
Professeur au Collège Gérald-Godin et détenteur d’une maîtrise en économie internationale de l’Université de Nottingham, en Angleterre.
Aussitôt le Conseil des ministres assermenté, le nouveau gouvernement a annoncé son intention de procéder dès septembre au dégel des droits de scolarité, tel qu’il l’avait proposé lors du lancement de la campagne électorale. Comme on pouvait s’y attendre, les lobbies étudiants et leurs partenaires syndicaux ont vite réagi en brandissant le spectre de moyens de pression pouvant aller jusqu’à la grève illimité et en réclamant de nouvelles consultations publiques sur la question. Si on ne peut nier aux étudiants leur droit de conclure des ententes avec leurs alliés naturels et de protester contre cette décision, on peut certainement questionner la légitimité de leurs revendications face au choix qu’ont fait les électeurs québécois.
Au cours de la dernière campagne électorale, autant le PLQ que l’ADQ proposait une forme quelconque d’augmentation des droits de scolarité. Si l’ADQ s’est faite plutôt discrète sur cet aspect de son programme électoral, le PLQ n’a pas essayé de cacher ses intentions, les rendant même publiques la veille du déclenchement des élections. Or, le jour du vote, plus de 2,5 millions d’électeurs, près des deux tiers de ceux ayant exercé leur droit de vote, accordaient leur préférence à un de ces deux partis politiques en toute connaissance de cause. Il y a fort à parier que parmi eux, on compte plusieurs étudiants qui, sans applaudir à l’alourdissement de leur fardeau financier, reconnaissent la nécessité d’augmenter les droits de scolarité. Qui oserait maintenant prétendre que les Québécois « n’ont jamais voté pour ça »?
Dans la même veine, demander de nouveau un large débat public sur l’accessibilité aux études, comme l’a fait la Fédération Québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), relève purement et simplement de la mauvaise foi. Cette question a été débattue en long et en large au cours des dernières années. La Commission de l’Éducation de l’Assemblée nationale a même tenu une vaste consultation sur la qualité, l’accessibilité et le financement des études universitaires en 2004. Plus de 90 mémoires ont été déposés à cette occasion et 87 organismes, dont les associations étudiantes et les syndicats, ont été entendus par les parlementaires. Réclamer une nouvelle consultation moins de trois ans plus tard ressemble fort à une tentative de repousser l’échéance encore une fois... Il y a toujours bien une limite à vouloir réinventer sans cesse la roue!
Détournement de démocratie
Dans ce contexte, évoquer une grève générale et des moyens de pression pour l’automne ou tenter d’étirer la sauce en demandant un nouveau débat s’apparente à nier un choix démocratique et légitime de la population québécoise. Comme si quelques 200 000 étudiants, selon les chiffres officiels des trois grandes associations étudiantes nationales, pouvaient renverser à coup de pancartes et de manifestations le choix fait par dix fois plus de leurs concitoyens. Jean Charest a beau diriger un gouvernement minoritaire, il a tout de même été élu pour gouverner. Laissons-le donc réaliser ses engagements!
Maintenant plus que jamais, le mouvement étudiant doit prendre acte du verdict qu’ont rendu les Québécois le 26 mars dernier. Pendant 14 ans, ceux-ci ont accordé le bénéfice du doute à une politique qui n’a donné que peu de résultats concrets. Ils souhaitent maintenant changer de cap. La seule porte de sortie honorable pour les étudiants et leurs représentants consiste à ranger leurs slogans et à aller s’asseoir avec la ministre de l’Éducation, afin de veiller à ce que ce dégel se fasse de façon contrôlée, notamment en s’assurant qu’une partie des sommes perçues chez les étudiants servent à bonifier le régime d’aide financière. Toute autre réaction pourrait drôlement s’apparenter à un déni de démocratie pour contrer une politique qui, de toute façon, semble désormais inévitable.
Des commentaires?
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In this paper, published this morning in La Presse, I defend the idea that the student unions are illegitimate to ask for the tuition fees unfreeze to be postponed once again. On the last election day, less than a month and a half ago, 2.5 million voters gave their vote to a party proposing to raise the tuition fees, namely the Quebec's Liberal Party and the ADQ. Even more, it has been anounced by the Liberals a day before the election race was lauch.
It is not more legitimate to ask for a new public consultation on the topic. No later than in 2004, the National Assembly made an important commission on the quality, accessibility and funding of higher education. At the moment, 90 papers and 87 groups were audited by the MPs. The debate is now done.
In that context, it would be denying democracy to reconsider the raise. As if 200 000 student could reverse a decision made by more than 10 times more Quebec's citizens... The only solution for the Student Union reprsentatives, if they are true democrats, is to sit down with the Minister for Education and negociate for the raise to be gradual and offset by a raise in education grants for the poorer. Any other reaction would be irresponsible and would look like a negation of democracy.