Pourquoi devant un modèle aussi inspirant, la société québécoise demeure-t-elle aussi peu inspirée?
Mathieu Laberge
Détenteur d’une maîtrise en économie de l’Université de Nottingham, en Angleterre, et ancien vice-président de la Fédération étudiante collégiale du Québec.
Mathieu Laberge
Détenteur d’une maîtrise en économie de l’Université de Nottingham, en Angleterre, et ancien vice-président de la Fédération étudiante collégiale du Québec.
En l’espace de quelques temps, le Québec se sera montré sous son meilleur et son pire jour en ce qui a trait à l’intégration et à la tolérance envers les communautés culturelles. La nomination de Michaëlle Jean, première femme noire à occuper le poste de Gouverneure générale, a recueilli 89% d’appui chez les Québécois. Pourtant, à peine quelques jours plus tard, le Doc Mailloux ressortait le vieux cadavre de la « xénophobie québécoise » du placard avec ses déclarations controversées sur les ondes de Radio-Canada. Deux événements qui laissent des questions fondamentales dans leur sillage.
Le Québec est définitivement au devant des autres pays occidentaux en ce qui a trait à l’ouverture face aux différences culturelles. Loin de se contenter de financer à la pièce les initiatives des groupes ethniques ou de simplement ignorer les difficultés liées à la cohabitation de citoyens d’origines diverses, les gouvernements québécois successifs ont privilégié les échanges entres les citoyens en les outillant pour passer outre les barrières culturelles. Le fer de lance de ce choix politique aura certainement été la volonté de rendre l’apprentissage du français accessible au plus grand nombre. Ce faisant, on a favorisé le développement de relations interculturelles dans la sphère publique, tout en reconnaissant des espaces privés propres aux différents groupes.
Par ailleurs, le concept de mobilité sociale a également pris une grande importance dans le développement du Québec. Issus du « nouveau monde » et confrontés très tôt dans leur histoire à la nécessité de se coaliser pour survivre, les Québécois ont su le mieux affirmer leur solidarité en refusant le modèle social du vieux continent axé sur les divisions entre la classe ouvrière, la classe moyenne et l’aristocratie. Cette organisation de la société a subsisté jusqu’à aujourd’hui, à un point tel qu’être issu de la classe ouvrière au Québec en 2005 n’est pas une fatalité du destin mais un beau défi pour qui veut changer sa situation socio-économique.
Il importe maintenant de reconnaître qu’au-delà du terme malmené et utilisé à toutes les sauces, ces deux concepts de relations interculturelles et de mobilité sociale accrues incarnent le véritable visage du modèle québécois tel qu’on le connaît de nos jours.
L’Europe : à des années-lumière
Les pays européens sont à des années-lumière du Québec à ce chapitre. La France est aux prises à la fois avec une structure sociale qui nie toute mobilité entre « castes économiques » et avec des problèmes endémiques de tensions ethniques qui se concentrent au niveau des « cités », ces ghettos de la banlieue parisienne.
L’Angleterre, pour sa part, est toujours confronté à des classes sociales imperméables. La crise est si criante qu’une chaîne de télévision britannique a diffusé un documentaire de trois heures sur le sujet récemment. Le gouvernement britannique tend néanmoins à adopter de plus en plus des politiques interculturelles inspirées de celles du Québec – ne serait-ce qu’en regroupant tous les leader religieux afin qu’ils travaillent conjointement au plan d’action contre le terrorisme. Ce virage a d’ailleurs porté fruit : les enclaves ethniques sont de moins en moins omniprésentes dans les banlieues des grandes villes britanniques. À cet égard, il est bon de rappeler qu’à la suite des attentats terroristes du 7 juillet dernier, les voisins des kamikazes qui étaient interviewés par la télévision publique témoignaient systématiquement de l’harmonie qui régnait entre les différents groupes culturels du quartier. Une intervenante faisait d’ailleurs ressortir comment les familles mettaient en commun l’éducation des enfants… un peu comme si le « Faubourg à la mélasse » était devenu pluriethnique.
S’il est vrai que les politiques québécoises devraient être un modèle d’intégration culturelle et sociale pour plusieurs pays occidentaux, plusieurs questions demeurent toutefois en suspens. Pourquoi devant un modèle aussi inspirant, la société québécoise demeure-t-elle aussi peu inspirée? Comment se fait-il que des individus comme le Doc Mailloux continuent de rejoindre un large auditoire et réussissent à faire passer leur message rétrograde? Bref, se pourrait-il que les gouvernements des quarante dernières années aient été à ce point à l’avant-garde de leurs citoyens qu’il y ait maintenant un fossé considérable qui les sépare en matière de politique d’intégration? Le Québec est-il désormais réduit à tolérer deux vitesses?
Le Québec est définitivement au devant des autres pays occidentaux en ce qui a trait à l’ouverture face aux différences culturelles. Loin de se contenter de financer à la pièce les initiatives des groupes ethniques ou de simplement ignorer les difficultés liées à la cohabitation de citoyens d’origines diverses, les gouvernements québécois successifs ont privilégié les échanges entres les citoyens en les outillant pour passer outre les barrières culturelles. Le fer de lance de ce choix politique aura certainement été la volonté de rendre l’apprentissage du français accessible au plus grand nombre. Ce faisant, on a favorisé le développement de relations interculturelles dans la sphère publique, tout en reconnaissant des espaces privés propres aux différents groupes.
Par ailleurs, le concept de mobilité sociale a également pris une grande importance dans le développement du Québec. Issus du « nouveau monde » et confrontés très tôt dans leur histoire à la nécessité de se coaliser pour survivre, les Québécois ont su le mieux affirmer leur solidarité en refusant le modèle social du vieux continent axé sur les divisions entre la classe ouvrière, la classe moyenne et l’aristocratie. Cette organisation de la société a subsisté jusqu’à aujourd’hui, à un point tel qu’être issu de la classe ouvrière au Québec en 2005 n’est pas une fatalité du destin mais un beau défi pour qui veut changer sa situation socio-économique.
Il importe maintenant de reconnaître qu’au-delà du terme malmené et utilisé à toutes les sauces, ces deux concepts de relations interculturelles et de mobilité sociale accrues incarnent le véritable visage du modèle québécois tel qu’on le connaît de nos jours.
L’Europe : à des années-lumière
Les pays européens sont à des années-lumière du Québec à ce chapitre. La France est aux prises à la fois avec une structure sociale qui nie toute mobilité entre « castes économiques » et avec des problèmes endémiques de tensions ethniques qui se concentrent au niveau des « cités », ces ghettos de la banlieue parisienne.
L’Angleterre, pour sa part, est toujours confronté à des classes sociales imperméables. La crise est si criante qu’une chaîne de télévision britannique a diffusé un documentaire de trois heures sur le sujet récemment. Le gouvernement britannique tend néanmoins à adopter de plus en plus des politiques interculturelles inspirées de celles du Québec – ne serait-ce qu’en regroupant tous les leader religieux afin qu’ils travaillent conjointement au plan d’action contre le terrorisme. Ce virage a d’ailleurs porté fruit : les enclaves ethniques sont de moins en moins omniprésentes dans les banlieues des grandes villes britanniques. À cet égard, il est bon de rappeler qu’à la suite des attentats terroristes du 7 juillet dernier, les voisins des kamikazes qui étaient interviewés par la télévision publique témoignaient systématiquement de l’harmonie qui régnait entre les différents groupes culturels du quartier. Une intervenante faisait d’ailleurs ressortir comment les familles mettaient en commun l’éducation des enfants… un peu comme si le « Faubourg à la mélasse » était devenu pluriethnique.
S’il est vrai que les politiques québécoises devraient être un modèle d’intégration culturelle et sociale pour plusieurs pays occidentaux, plusieurs questions demeurent toutefois en suspens. Pourquoi devant un modèle aussi inspirant, la société québécoise demeure-t-elle aussi peu inspirée? Comment se fait-il que des individus comme le Doc Mailloux continuent de rejoindre un large auditoire et réussissent à faire passer leur message rétrograde? Bref, se pourrait-il que les gouvernements des quarante dernières années aient été à ce point à l’avant-garde de leurs citoyens qu’il y ait maintenant un fossé considérable qui les sépare en matière de politique d’intégration? Le Québec est-il désormais réduit à tolérer deux vitesses?
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