La valse hésitation québécoise entre souveraineté et fédéralisme devra prendre fin aux prochaines élections provinciales
MATHIEU LABERGE
MATHIEU LABERGE
Professeur au Collège Gérald-Godin et détenteur d’une maîtrise en économie internationale de l’Université de Nottingham, en Angleterre.
En renvoyant à Ottawa sensiblement le même nombre de députés souverainistes et fédéralistes qu’il y avait avant la dissolution de la Chambre tout en divisant les forces fédéralistes entre conservateurs et libéraux, les électeurs québécois ont en quelque sorte coupé la poire en trois lundi dernier. Ce faisant, ils ont également réservé leur jugement sur l’outil, souveraineté ou fédéralisme, qu’ils entendent utiliser dans l’avenir pour défendre leurs intérêts. Mais cet arbitrage ne saurait tarder et il s’annonce impitoyable pour le Bloc Québécois dont la pertinence sera remise en doute, peu importe sous quel drapeau se rangeront les Québécois.
Fédéralistes divisés, souverainistes isolés
En cantonnant plus de la moitié de sa députation fédéraliste dans les banquettes de l’opposition, le Québec s’est privé d’une influence indispensable à la représentation de ses intérêts auprès du parti gouvernemental. Pour la première fois, il se retrouve pratiquement évacué des pôles décisionnels du gouvernement fédéral. Effectivement, le PLC a pu compter sur une concentration des députés québécois fédéralistes en son sein tout au long de son règne. Or, les conservateurs ne peuvent prétendre à une représentation aussi significative et l’élection de 2006 pourrait bien rester gravée dans les mémoires comme étant celle où l’influence du Québec aura été réduite à peau de chagrin.
Cette nouvelle donne ne va pas sans questionner le rôle que jouera désormais le Bloc Québécois à la Chambre des Communes, alors qu’il ne disposait déjà d’aucun pouvoir effectif et d’une influence pour le moins limité avant le 23 janvier. S’il est vrai que la délégation bloquiste demeure imposante, elle s’est néanmoins retrouvée charcuté tant en termes de nombre de sièges que de suffrages. Ce déclin constitue une raison de plus pour Stephen Harper, qui a déjà annoncé son intention de travailler directement avec le gouvernement Charest, de faire fi des revendications de Gilles Duceppe. Et comme pour parachever l’isolement du clan souverainiste, André Boisclair s’est « peinturé dans un coin » en luttant corps et âme avec le Bloc Québécois pour réclamer une estimation chiffrée du déséquilibre fiscal. Advenant une victoire péquiste aux prochaines élections provinciales, il y a fort à parier que les tories montreront peu d’empressement à collaborer avec le chef péquiste.
Le moment de vérité
Tant que la députation québécoise se trouvait bien représentée des deux côtés de la Chambre, la situation était idéale : le Québec bénéficiait du meilleur des deux mondes! Toutefois, avec un parti ministériel où la présence québécoise est minimale et des partis souverainistes exclus des cercles décisionnels fédéraux, les intérêts québécois se retrouvent gravement dilués. Du concept abstrait d’isolement culturel et social du Québec omniprésent dans la rhétorique indépendantiste, on est passé à une ghettoïsation politique bien réelle. Cette situation, issue de la position mi-figue, mi-raisin adoptée par les Québécois, ne pourra perdurer indéfiniment. Plus tôt que tard, il faudra mettre fin à la valse hésitation québécoise et faire un choix stratégique entre souveraineté et fédéralisme.
L’échéance toute désignée pour trancher ce dilemme pourrait bien être la prochaine élection provinciale. Deux options s’offriront alors aux électeurs : soit les Québécois éliront le Parti Québécois et s’affèreront à réaliser la souveraineté aussitôt que possible, rendant obsolète l’existence du Bloc Québécois. Soit ils valideront l’alliance Harper-Charest en réélisant le PLQ. Cette alternative implique incontestablement de faire le pari du fédéralisme d’ouverture et d’envoyer à Ottawa une forte délégation conservatrice du Québec dès l’élection fédérale suivante dans l’espoir d’un recentrage du Parti conservateur vers un conservatisme fiscal assorti d’un progressisme social plus proche des valeurs traditionnelles du Québec. Dans un cas comme dans l’autre, la pertinence du Bloc Québécois sera rudement éprouvée.
En renvoyant à Ottawa sensiblement le même nombre de députés souverainistes et fédéralistes qu’il y avait avant la dissolution de la Chambre tout en divisant les forces fédéralistes entre conservateurs et libéraux, les électeurs québécois ont en quelque sorte coupé la poire en trois lundi dernier. Ce faisant, ils ont également réservé leur jugement sur l’outil, souveraineté ou fédéralisme, qu’ils entendent utiliser dans l’avenir pour défendre leurs intérêts. Mais cet arbitrage ne saurait tarder et il s’annonce impitoyable pour le Bloc Québécois dont la pertinence sera remise en doute, peu importe sous quel drapeau se rangeront les Québécois.
Fédéralistes divisés, souverainistes isolés
En cantonnant plus de la moitié de sa députation fédéraliste dans les banquettes de l’opposition, le Québec s’est privé d’une influence indispensable à la représentation de ses intérêts auprès du parti gouvernemental. Pour la première fois, il se retrouve pratiquement évacué des pôles décisionnels du gouvernement fédéral. Effectivement, le PLC a pu compter sur une concentration des députés québécois fédéralistes en son sein tout au long de son règne. Or, les conservateurs ne peuvent prétendre à une représentation aussi significative et l’élection de 2006 pourrait bien rester gravée dans les mémoires comme étant celle où l’influence du Québec aura été réduite à peau de chagrin.
Cette nouvelle donne ne va pas sans questionner le rôle que jouera désormais le Bloc Québécois à la Chambre des Communes, alors qu’il ne disposait déjà d’aucun pouvoir effectif et d’une influence pour le moins limité avant le 23 janvier. S’il est vrai que la délégation bloquiste demeure imposante, elle s’est néanmoins retrouvée charcuté tant en termes de nombre de sièges que de suffrages. Ce déclin constitue une raison de plus pour Stephen Harper, qui a déjà annoncé son intention de travailler directement avec le gouvernement Charest, de faire fi des revendications de Gilles Duceppe. Et comme pour parachever l’isolement du clan souverainiste, André Boisclair s’est « peinturé dans un coin » en luttant corps et âme avec le Bloc Québécois pour réclamer une estimation chiffrée du déséquilibre fiscal. Advenant une victoire péquiste aux prochaines élections provinciales, il y a fort à parier que les tories montreront peu d’empressement à collaborer avec le chef péquiste.
Le moment de vérité
Tant que la députation québécoise se trouvait bien représentée des deux côtés de la Chambre, la situation était idéale : le Québec bénéficiait du meilleur des deux mondes! Toutefois, avec un parti ministériel où la présence québécoise est minimale et des partis souverainistes exclus des cercles décisionnels fédéraux, les intérêts québécois se retrouvent gravement dilués. Du concept abstrait d’isolement culturel et social du Québec omniprésent dans la rhétorique indépendantiste, on est passé à une ghettoïsation politique bien réelle. Cette situation, issue de la position mi-figue, mi-raisin adoptée par les Québécois, ne pourra perdurer indéfiniment. Plus tôt que tard, il faudra mettre fin à la valse hésitation québécoise et faire un choix stratégique entre souveraineté et fédéralisme.
L’échéance toute désignée pour trancher ce dilemme pourrait bien être la prochaine élection provinciale. Deux options s’offriront alors aux électeurs : soit les Québécois éliront le Parti Québécois et s’affèreront à réaliser la souveraineté aussitôt que possible, rendant obsolète l’existence du Bloc Québécois. Soit ils valideront l’alliance Harper-Charest en réélisant le PLQ. Cette alternative implique incontestablement de faire le pari du fédéralisme d’ouverture et d’envoyer à Ottawa une forte délégation conservatrice du Québec dès l’élection fédérale suivante dans l’espoir d’un recentrage du Parti conservateur vers un conservatisme fiscal assorti d’un progressisme social plus proche des valeurs traditionnelles du Québec. Dans un cas comme dans l’autre, la pertinence du Bloc Québécois sera rudement éprouvée.
Une leçon claire
Quoi qu’il en soit, il y a une leçon claire à tirer du signal lancé le 23 janvier par les électeurs: les Québécois ont accepté d’accorder aux conservateurs une période d’essai, quitte à retourner le produit s’il fait défaut. Stephen Harper disposera donc d’au plus deux ans pour les convaincre d’adhérer au fédéralisme d’ouverture qu’il propose et de se joindre à ses troupes. Après cette phase de mise à l’épreuve bien légitime, une décision finale devra toutefois être rendue sur la poursuite de cette expérience du fédéralisme renouvelé, sans quoi l’affaiblissement des positions québécoises sera irrémédiable.
Écrivez-nous:
Quoi qu’il en soit, il y a une leçon claire à tirer du signal lancé le 23 janvier par les électeurs: les Québécois ont accepté d’accorder aux conservateurs une période d’essai, quitte à retourner le produit s’il fait défaut. Stephen Harper disposera donc d’au plus deux ans pour les convaincre d’adhérer au fédéralisme d’ouverture qu’il propose et de se joindre à ses troupes. Après cette phase de mise à l’épreuve bien légitime, une décision finale devra toutefois être rendue sur la poursuite de cette expérience du fédéralisme renouvelé, sans quoi l’affaiblissement des positions québécoises sera irrémédiable.
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7 comments:
Votre fédéralisme me pue au nez Mathieu Laberge, quelle trahison pour nos ancêtres qui se sont battus à corps et à sang pour accéder à un État français en Amérique du Nord. Ne croyez vous pas qu'il y ait une place pour ceux qui deviendront sous le fleur de lysé, le modèle indispensable d'un pays de l'Énergie propre? Comme Lord Durham l'avait prévu, vous êtes un français assimilé, un mouton économiste mou et probablement ultra pollueur puisque vous sembler avoir un certain intérêt à vous répandre. Vous devriez quitter le Québec si vous voulez vivre au Canada, pourquoi pas aller en Alberta tient? Vous résideriez là-bas en paix au coeur de vos fondements les plus sales.
Putain d'écoeurant, va!
Bonjour à vous!
deux réponses rapides avant que ma réponse plus élaborée aux commentaires ne soit publiée cette semaine...
M. ppp: si j'écris en français ET en anglais (bien que a majorité de mon blogue soit en français), c'est simplement que j'ai des amis britanniques, allemands, viennois, turques, indiens et j'en passe qui lisent ce blogue régulièrement. J'ai échang avec eux en anglais alors que j'étais en Angleterre, je me verrais bien mal leur imposer le français maintenant. Vous dites que le français est amplement suffisant: vrai!... au Québec. À bon entendeur (j'ai toutefois beaucoup de respect pour les gens qui échangent civilement, merci de le faire)
M. l'anonyme: Je déteste les gens qui ne s'assument pas (en ne revendiquant pas leur propos, par exemple!)... Mais qui vous a dit que je faisais la promotion du fédéralisme... Vous ne lisez pas le même français que moi. J'ai écrit que les Québécois auraient un choix à faire! Ils foutreront bien Harper hors du Quéec s'il le veulent... Pour le reste, j'aime pas bien bien les étiquettes: putain d'écoeurant, traître ou martyr... je m'en accomode très mal, vous voyez? (j'en doutes... Et en passant: vous qui faites l'apologie du français, votre message est bourré de "fôtes")
J'apprécie l'analyse que vous faites du prochain rendez-vous référendaire. Les Québécois auront devant eux le miroir de ce qu'ils sont, c'est-à-dire des indécis. Malheureusement pour eux, le jeux a assez duré et ils ne pourront plus se dérober face à leur responsabilité, c'est-à-dire se brancher. Les Québécois devront se poser la question suivante: J'en ai tu assez de jouer le syndrome de la femme battue, soit de toujours donner une nouvelle chance à son partenaire qui ne le respecte pas?
Excellent article et reflexion.
Esperons que la 2e option (alliance Harper-Charest) se materialise car elle semble etre la plus rationnelle et constructive et en mesure d'assurer une economie stable.
Selon moi, le Bloc ne deviendra obsolète pas seulement qui si la souveraineté se réalise. On peut très bien imaginé que dans le cadre d'une entente constitutionnelle, ce n'est pas seulement le Bloc qui n'aura plus sa place à Ottawa, mais peut-être aussi le projet souverainiste, qui tend parfois trop à porter sur le ressentiement de la tricherie de 1982. Je ne dis pas que je répudie le projet souverainiste, je dis seulement que dans le cadre d'un fédéralisme où le Québec obtiendrait un statut acceptable, les péquistes aussi devraient refaire leurs devoirs. Mais tout ça n'est que spécualtion bien sûr.
Selon moi, le Bloc ne deviendra obsolète pas seulement qui si la souveraineté se réalise. On peut très bien imaginé que dans le cadre d'une entente constitutionnelle, ce n'est pas seulement le Bloc qui n'aura plus sa place à Ottawa, mais peut-être aussi le projet souverainiste, qui tend parfois trop à porter sur le ressentiement de la tricherie de 1982. Je ne dis pas que je répudie le projet souverainiste, je dis seulement que dans le cadre d'un fédéralisme où le Québec obtiendrait un statut acceptable, les péquistes aussi devraient refaire leurs devoirs. Mais tout ça n'est que spécualtion bien sûr.
Matt dit... Ce déclin constitue une raison de plus pour Stephen Harper, qui a déjà annoncé son intention de travailler directement avec le gouvernement Charest, de faire fi des revendications de Gilles Duceppe.
Selon les discours de Gilles Duceppe durant la campagne, beaucoup d'électeurs sont à se demander... Qui représente le mieux les intérêts des Québécois auprès du gouvernement d'Ottawa ? Est-ce le Bloc québécois selon les indépendantistes ? Ou bien est-ce le gouvernement du Québec ?
Gilles Duceppe a dit que les bloquistes détiennent la balance du pouvoir. Dès lors les électeurs veulent savoir... Va-t-il agir en indépendantiste et bloquer tout ce qui est bon et profitable pour l'union canadienne ? Ou bien va-t-il agir en fédéraliste, comme dans le dernier gouvernement Martin, et appuyer tout ce qui est bon et profitable pour le Québec ?
Si certains peuvent être surpris par ces deux dernières questions, il y a une raison bien simple. À revoir comment Gilles Duceppe a prestement laissé tomber les discours sur les navires de Paul Martin, la corruption et le scandale des commandites libérales, pour se tourner vers les conservateurs et Stephen Harper, c'est à se demander si tous les bloquistes indépendantistes sont des libéraux opportunistes comme ça, en réalité.
Matt dit... André Boisclair s'est « peinturé dans un coin » en luttant corps et âme avec le Bloc Québécois pour réclamer une estimation chiffrée du déséquilibre fiscal.
Ce n'est pas vraiment de sa faute. André n'a pas de diplômes des HEC comme Legault et Pauline Marrois. Il n'arrive donc pas à comprendre les analyses et le budget de François Legault, qui contiennent le chiffré du déséquilibre qu'il cherche.
Matt dit... Une leçon claire - Quoi qu'il en soit, il y a une leçon claire à tirer du signal lancé le 23 janvier par les électeurs: les Québécois ont accepté d'accorder aux conservateurs une période d'essai,
Vous pointez du 24,6% (906,741) électeurs qui ont voté conservateur, du 63,3% (3,689,211) qui ont votés. C'est donc une minorité et peut-être des mécontents en grande partie.
Les analystes et les politologues à l'emploi du privé cherchent les réponses à ces questions, plutôt...
A) Quel signal ont lancé les 2,781,665 (75,4%) électeurs Québécois qui n'ont pas accordé un essai aux conservateurs ?
B) Des 1, 552, 043 (42,1%) qui ont voté Bloc, combien sont-ils de syndiqués ? Des centrales syndicales millionnaires qui ne changeront jamais de parti pour des raisons d'intérêts financiers ?
sp
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