Professeure à l’École Polytechnique et Vice-présidente Risque et Développement durable CIRANO
Mathieu Laberge
Économiste et directeur de projet CIRANO
Nul ne doute que d’ici la clôture du Sommet de Copenhague, le 18 décembre, les leaders mondiaux prendront de nombreux engagements en faveur de l’environnement et contre les changements climatiques. Or, comme l’ont démontré les suites du protocole de Kyoto, en l’absence d’unanimité sur les moyens à prendre, le résultat obtenu est souvent loin des engagements. Si l’on souhaite passer de la parole aux actes, il faudra cette fois-ci utiliser les systèmes de prix comme solution environnementale.
Il existe deux moyens pour intégrer le coût de la pollution dans les prix auxquels les entreprises et les consommateurs font face. Le gouvernement pourrait contraindre les entreprises à acheter des crédits de carbone en imposant par voie réglementaire la « carboneutralité » à leur processus de production. Alternativement, il pourrait percevoir une taxe sur les émissions polluantes. Les recettes de cette taxe serviraient à acheter des crédits de carbone.
Chaque approche a ses forces et ses faiblesses. Néanmoins, dans les deux cas, l’effet est le même : la demande pour les crédits de carbone augmenterait, ce qui aurait pour effet d’en augmenter le prix sur les marchés internationaux. Ceci inciterait les entreprises à choisir des modes de production qui respectent l’environnement afin de minimiser la hausse de leurs coûts de production liée à l’achat de droits de polluer. Ces mécanismes de prix rendraient donc les alternatives écologiques plus attrayantes pour les entreprises.
Puisqu’ils sont les utilisateurs finaux des matières polluantes qui entrent dans la composition de leurs biens, les consommateurs auront nécessairement à assumer une part de ce coût supplémentaire. Cette hausse de prix les encouragerait cependant à modifier leurs choix de consommation vers des produits ou des modes de production plus écologiques. Les entreprises seraient conséquemment incitées à offrir des produits qui répondent aux attentes de leurs clients, tant en matière de prix que de rendement environnemental. D’un cercle vicieux de la dépendance aux modes de production polluants, on passerait ainsi à un cercle vertueux de la responsabilité environnementale.
Tirer les leçons de Kyoto
À l’égard de l’impact environnemental des mécanismes de prix, Copenhague semble être l’occasion d’apprendre des erreurs du protocole de Kyoto. Les objectifs de Kyoto ont tenté d’être réalisés par la mise en place de deux grandes catégories de moyens : l’adoption de standards environnementaux dans la réglementation et les campagnes de sensibilisation misant sur des mesures volontaires. Ces deux moyens proposent une réponse parfois efficace mais toujours partielle en l’absence de l’internalisation des coûts de la pollution dans le système de production.
Les mécanismes de compensation des émissions de gaz carbonique en sont une bonne illustration. Ceux-ci permettent de payer pour financer des initiatives de réduction des gaz à effet de serre et ainsi rendre certaines activités polluantes « carboneutres ». Leur caractère volontaire montre toutefois leurs limites. Plusieurs organismes proposent des services de compensation pour l’utilisation des voitures, des vols en avion et des systèmes de chauffage au mazout. Pourtant, combien d’automobilistes, de voyageurs et de propriétaires de maisons chauffées au mazout utilisent ces services?
Sans changement dans le prix des matières polluantes et sans l’internalisation des coûts de pollution, il y a fort à parier qu’il n’y aura pas de changement dans le comportement des entreprises et des consommateurs. Espérons donc que Copenhague sera un Kyoto où l’unanimité régnera et où ce qui manquait dans le protocole précédent sera inclus dans la nouvelle entente: l’utilisation du système de prix comme incitatif le plus efficace pour réaliser des engagements environnementaux audacieux.
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