voici un texte que j'ai publié aujourd'hui sur cyberpresse
Dans les suites du budget Bachand, on a fait grand cas du caractère régressif de la contribution santé, ce montant forfaitaire qu'une grande majorité de Québécois devront payer pour financer les services de santé. Profitons de l'accalmie sur ce front pour faire le point froidement sur cette nouvelle perception fiscale tant décriée. D'autant plus que ses impacts les plus importants pourraient bien être positifs... et n'avoir que peu à voir avec la progressivité du système fiscal québécois.
Vraie, la contribution santé est régressive. Mais elle ne constitue qu'une mesure fiscale dans tout un système qui atteint généralement bien ses objectifs de redistribution. Le coefficient de Gini permet d'évaluer l'égalité de la distribution des revenus: plus il est bas, plus les revenus sont distribués également. Pour une famille québécoise de deux personnes avec deux enfants, le coefficient de Gini du revenu après impôts (et transferts) est 25% inférieur à celui du revenu de marché (avant impôts et transferts). Pour les personnes seules, cet écart est encore plus important. C'est donc dire que le système fiscal québécois contribue à redistribuer la richesse. Cette redistribution se fait même mieux ici qu'ailleurs au Canada.
La contribution santé ne changera pas fondamentalement les sources de financement du système de santé non plus. Avant l'implantation de la franchise, les impôts représentaient 53% du financement de la santé, les taxes à la consommation représentaient 25% de celui-ci et les autres revenus autonomes représentaient 22%. Après l'implantation de la contribution, la part respective de chacune des perceptions fiscales précédentes aura passé à 51%, 25% et 21%. La contribution ne représentera que 3% des coûts du système de santé.
Les vrais changements seront plus fondamentaux
Les apports majeurs de la contribution santé sont donc tout autre. Ceux-ci pourraient d'ailleurs modifier fondamentalement et positivement notre façon de concevoir le financement des services de santé.
D'abord, les sommes perçues en vertu de cette contribution seront dédiées au financement des institutions de santé. Cette façon de faire est en quelque sorte une assurance de traçabilité pour le contribuable: il pourra savoir ce qui advient de ce qu'il a payé. Si les sommes ne sont pas utilisées à bon escient, il pourra également sanctionner le gouvernement qui aura éventuellement manqué à cet engagement. Actuellement, peu d'autres formes de perception fiscale donnent une telle transparence puisque leurs recettes sont versées au fonds consolidé, le «compte bancaire avec opération» du gouvernement québécois.
De plus, le financement accru provenant de la contribution santé sera redistribué aux institutions en fonction de leur productivité et de leur atteinte de résultats. Cela fera en sorte que les institutions de santé qui ont innové pour améliorer leur gestion et mieux performer seront récompensées. On peut espérer qu'il y aura donc une «course à l'amélioration» entre les centres hospitaliers pour mettre la main sur ce nouveau financement. À terme, l'innovation qui en découlera profitera à tout le réseau puisque les meilleures pratiques de gestion seront ainsi valorisées.
En somme, on aura beau rouspéter contre cette nouvelle perception fiscale et son caractère régressif, il faut bien reconnaître qu'elle a aussi des éléments positifs pour les contribuables. Elle permettra une meilleure transparence dans le financement de nos institutions de santé, une meilleure reddition de compte de nos élus et une émulation sur les meilleures pratiques de gestion des centres hospitaliers. Pour toutes ces raisons, il faudrait donc l'aborder froidement et éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain.
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