Jean Charest doit suivre la voie du premier ministre britannique
MATHIEU LABERGE
Détenteur d’une maîtrise en économie de l’Université de Nottingham, en Angleterre, et ancien vice-président de la Fédération étudiante collégiale du Québec.
Sous le couvert d’un apparent dynamisme, les syndicats sont passés de moteur de changement social à promoteurs de l’immobilisme de la société québécoise. Au contraire, le Royaume-Uni vit actuellement une époque d’effervescence et de développement exceptionnels sous l’impulsion d’une nouvelle vision du rôle de l’État insufflée par les élus. Peut-on réellement blâmer les groupes d’intérêts québécois d’avoir comblé un espace laissé vacant par les gouvernements successifs? Quoi qu’il en soit, la solution devra passer par une réappropriation des pouvoirs publics par les élus de l’Assemblée Nationale. Contre toute attente, « l’automne chaud » pourrait en devenir le point de départ.
Un survol des principales villes du Royaume-Uni donne un spectacle saisissant : les grues et les sites de construction se multiplient jusqu’à l’horizon. Autrefois le maître lieu d’une industrie minière aujourd’hui anémique, les villes du centre de l’Angleterre voient maintenant les sièges sociaux de grandes entreprises peupler leur centre-ville. Les institutions sociales, académiques et culturelles se développent d’ailleurs à un rythme important, tant à Londres qu’en région. Dans la rue, les gens rayonnent d’optimisme. Bref, le Royaume-Uni est en proie à un bouillonnement social qui trouve sa source dans un leadership accru du gouvernement. Loin de se contenter de « réformettes d’apparat », le gouvernement britannique continue de transformer fondamentalement les institutions du pays.
À l’opposé, le simulacre de vitalité québécoise prend sa source dans la volonté des syndicats de maintenir coûte que coûte le statut quo. Pendant que la Présidente de la CSN multiplie les interventions et se prononce sur le lieu du futur CHUM et la déconfessionnalisation du réseau scolaire, Louise Leduc a démontré récemment dans La Presse que la situation des employés « Au bas de l’échelle », même syndiqués, demeure précaire. Toutes les revendications récentes des groupes d’intérêts -des 103 millions de bourses aux fusions d’unités syndicales dans les hôpitaux- visent à donner une apparence de vigueur tout en assurant le maintient d’une situation favorable à leurs membres. Le Québec se retrouve donc dans une situation où il y a confusion des rôles : le gouvernement mettant en veilleuse sa vision de la société et reculant devant des syndicats qui occupent systématiquement chaque centimètre de pouvoir laissé à leur portée. Il en résulte une situation où les groupes d’intérêts se sont érigés en gouvernement parallèle, celui qui a le dernier mot sur les politiques publiques du Québec à coup de manifestations.
Vieilles habitudes
S’il est une promesse brisée qu’on ne peut pardonner au gouvernement Charest, c’est celle de mettre les syndicats au pas. Après quelques tentatives visant à reprendre en main le contrôle de la destinée du Québec, Jean Charest est maintenant retourné dans les vieilles habitudes de son prédécesseur et gouverne à vue en faisant les quatre volontés des leaders syndicaux. Qu’on soit en désaccord avec la vision du Québec du Premier Ministre, soit! Mais vaut mieux que les reines du pouvoir soient entre les mains d’élus légitimes qu’entre celles de groupes qui ne représentent qu’une portion limitée de la population. Les élus québécois doivent dorénavant cesser d’abdiquer leurs pouvoirs de modeler la société au profit des groupes d’intérêts.
La situation n’était guère plus rose il y a quelques décennies au Royaume-Uni. Pourtant, en réaffirmant le droit des groupes sociaux d’être consultés tout en s’assurant que le pouvoir de décider des arbitrages politiques revienne entre les mains des élus, Tony Blair et ses prédécesseurs ont su se réapproprier l’espace politique de leur pays. Depuis les années 1980, les groupes de pressions syndicaux et patronaux on été invariablement exclus des instances décisionnelles du gouvernement et des ministères. L’actuel Premier Ministre britannique a donc eu le beau rôle de positionner son gouvernement comme visionnaire de la société tout en étant économiquement moins interventionniste que la plupart des États européens, dont la France qui est maintenant confrontée à des problèmes très similaires à ceux du Québec.
Jusqu’à présent, Jean Charest a su maintenir ses positions dans les négociations du secteur public. Avec un bilan plutôt dégarni à ce jour et peu à perdre en termes de popularité, le gouvernement peut désormais opérer un revirement de situation en restituant à l’Assemblée Nationale son rôle d’orienteur de la société. Bref, cet automne chaud pourrait bien marquer le commencement d’une nouvelle légitimité pour l’État et les élus québécois.
MATHIEU LABERGE
Détenteur d’une maîtrise en économie de l’Université de Nottingham, en Angleterre, et ancien vice-président de la Fédération étudiante collégiale du Québec.
Sous le couvert d’un apparent dynamisme, les syndicats sont passés de moteur de changement social à promoteurs de l’immobilisme de la société québécoise. Au contraire, le Royaume-Uni vit actuellement une époque d’effervescence et de développement exceptionnels sous l’impulsion d’une nouvelle vision du rôle de l’État insufflée par les élus. Peut-on réellement blâmer les groupes d’intérêts québécois d’avoir comblé un espace laissé vacant par les gouvernements successifs? Quoi qu’il en soit, la solution devra passer par une réappropriation des pouvoirs publics par les élus de l’Assemblée Nationale. Contre toute attente, « l’automne chaud » pourrait en devenir le point de départ.
Un survol des principales villes du Royaume-Uni donne un spectacle saisissant : les grues et les sites de construction se multiplient jusqu’à l’horizon. Autrefois le maître lieu d’une industrie minière aujourd’hui anémique, les villes du centre de l’Angleterre voient maintenant les sièges sociaux de grandes entreprises peupler leur centre-ville. Les institutions sociales, académiques et culturelles se développent d’ailleurs à un rythme important, tant à Londres qu’en région. Dans la rue, les gens rayonnent d’optimisme. Bref, le Royaume-Uni est en proie à un bouillonnement social qui trouve sa source dans un leadership accru du gouvernement. Loin de se contenter de « réformettes d’apparat », le gouvernement britannique continue de transformer fondamentalement les institutions du pays.
À l’opposé, le simulacre de vitalité québécoise prend sa source dans la volonté des syndicats de maintenir coûte que coûte le statut quo. Pendant que la Présidente de la CSN multiplie les interventions et se prononce sur le lieu du futur CHUM et la déconfessionnalisation du réseau scolaire, Louise Leduc a démontré récemment dans La Presse que la situation des employés « Au bas de l’échelle », même syndiqués, demeure précaire. Toutes les revendications récentes des groupes d’intérêts -des 103 millions de bourses aux fusions d’unités syndicales dans les hôpitaux- visent à donner une apparence de vigueur tout en assurant le maintient d’une situation favorable à leurs membres. Le Québec se retrouve donc dans une situation où il y a confusion des rôles : le gouvernement mettant en veilleuse sa vision de la société et reculant devant des syndicats qui occupent systématiquement chaque centimètre de pouvoir laissé à leur portée. Il en résulte une situation où les groupes d’intérêts se sont érigés en gouvernement parallèle, celui qui a le dernier mot sur les politiques publiques du Québec à coup de manifestations.
Vieilles habitudes
S’il est une promesse brisée qu’on ne peut pardonner au gouvernement Charest, c’est celle de mettre les syndicats au pas. Après quelques tentatives visant à reprendre en main le contrôle de la destinée du Québec, Jean Charest est maintenant retourné dans les vieilles habitudes de son prédécesseur et gouverne à vue en faisant les quatre volontés des leaders syndicaux. Qu’on soit en désaccord avec la vision du Québec du Premier Ministre, soit! Mais vaut mieux que les reines du pouvoir soient entre les mains d’élus légitimes qu’entre celles de groupes qui ne représentent qu’une portion limitée de la population. Les élus québécois doivent dorénavant cesser d’abdiquer leurs pouvoirs de modeler la société au profit des groupes d’intérêts.
La situation n’était guère plus rose il y a quelques décennies au Royaume-Uni. Pourtant, en réaffirmant le droit des groupes sociaux d’être consultés tout en s’assurant que le pouvoir de décider des arbitrages politiques revienne entre les mains des élus, Tony Blair et ses prédécesseurs ont su se réapproprier l’espace politique de leur pays. Depuis les années 1980, les groupes de pressions syndicaux et patronaux on été invariablement exclus des instances décisionnelles du gouvernement et des ministères. L’actuel Premier Ministre britannique a donc eu le beau rôle de positionner son gouvernement comme visionnaire de la société tout en étant économiquement moins interventionniste que la plupart des États européens, dont la France qui est maintenant confrontée à des problèmes très similaires à ceux du Québec.
Jusqu’à présent, Jean Charest a su maintenir ses positions dans les négociations du secteur public. Avec un bilan plutôt dégarni à ce jour et peu à perdre en termes de popularité, le gouvernement peut désormais opérer un revirement de situation en restituant à l’Assemblée Nationale son rôle d’orienteur de la société. Bref, cet automne chaud pourrait bien marquer le commencement d’une nouvelle légitimité pour l’État et les élus québécois.
5 comments:
Bonjour M. Laberge,
Je lis essentiellement 2 journaux de façon très régulière soit Le Devoir et La Presse. Évidemment, les 2 diffèrent de façon notable par leurs idées et leurs opinions politiques. L'un est à gauche, l'autre très à droite. La Presse, par son côté très à droite, ne cesse de marteler le monde syndical en les accusant de tous les maux de la planète (position défensive seulement, statu quo, immobilisme, etc). Plus particulìèrement, on utilise le mot "syndicat" sans trop savoir ce que représente vraiment cette institution et surtout, son fonctionnement.
Quand les leaders syndicaux parlent, ils reflètent, en grande partie, la pensée des membres qui ont été consultés sur les enjeux de la négociation dans le secteur public. Quand je parle de membres, je parle d'environ 450 000 personnes dans le secteur public et parapublic. Bien sur, il serait faux de prétendre que tous ont été consultés sur les enjeux de la négociation du secteur public. Plusieurs membres ne participent pas aux assemblées syndicales, pendant lesquelles un vote est effectué pour déterminer quelles seront les revendications qui seront portées devalt le gouvernement. Certains pensent qu'ils ne peuvent influencer le débat lors de ces votes (à tort d'ailleurs). Cependant, laissez moi vous dire qu'ils se pointent en très grand nombre lorsque vient le temps de voter pour déterminer leurs futurs conditions de travail. Et c'est la voix de la majorité de ces 450 000 personnes qui sera alors porté par les grands leaders syndicaux pour annoncer au gouvernement que l'accord a été oui ou non voté.
Quand vous dites que le gouvernement devrait mettre au pas les syndicats, vous venez alors de dire que le gouvernement devrait mettre au pas 450 000 personnes. Il y a surement dans ce lot plusieurs électeurs du parti libéral !! En conclusion, utilise le terme "syndicat" avec prudence. Il représente plus de gens que vous ne le croyez.
Jean-François Piché
Conseiller en relations de travail
Premièrement M. Laberge, votre chronique me rassure, car les enjeux dont vous parlez sont très concrets, contrairement à celle de votre prédécesseur M. Kelly, qui nous a offert la semaine dernière un texte qui n'a ni queue ni tête, et en tout cas on ne pouvait saisir où il voulait nous emmener.
J'ai une sensibilité de gauche, et suis un adepte de la justice sociale, mais à la longue, j'en suis venu moi aussi à reconnaître que le corporatisme syndical bloque l'évolution de la société québécoise. Aussi, je doute de plus en plus qu'un État hyperbureaucratisé, très lourt et face auquel le citoyen se perd lorsqu'il a à y recourir, soit synonyme de progrès social.
L'État québécois est trop lourd, trop coûteux, et il intervient dans trop de secteurs qui n'ont rien à voir avec sa mission fondamentale, qui est de servir efficacement le citoyen.
Évidemment, vous allez, cher M. Laberge, vous faire traiter de réactionnaire de droite parce que vous osez mettre certaines dimensions du syndicalisme québécois en question, même si je doute que vous soyez de droite. Ce sectarisme est synonyme de refus du débat, mais il faudra bien que certaines questions soient posées au québécoise, car on ne peut plus fonctionner comme cela.
En tout cas, bon courage pour la suite.
Enfin!!!
Je n'y croyais plus. J'ai effectivement peur que Mr Charest soit passer à coté de ce qu'il avait à faire ( ce qui est à mon point de vue essentiel si le Québec est pour se réaliser)
Nous avons besoin d'un nouveau "refus global" sortir de la pensée unique qui fige tout débat au Québec.
Si quelqu'un ose parler en dehors de l'ortodoxie "social-démocrate" il se fait faire un Mario Dumont!
On se croirait revenu à l'ère Duplessis, à la différence qu'aujourd'hui le discours religieux a été remplacé par celui des bonzes syndicaux.
Pour ma part je crois qu'il est déjà trop tard pour le Québec, le monde syndical a déjà son droit de veto, ils sont trop fort, trop riche, et la machine médiatique est addict à leur kool-aid!( à part quelques éditorialistes qu'il est facile de discréditer voir article plus haut)
Le Québec n'as pas de Maggie Tatcher qui elle, a eu les c... ce qui a permit à Blair de faire ce qu'il fait.
Bravo pour avoir eu le courage d'écrire un tel article içi, il y a comme moi (trop souvent silencieux!)qui approuve.
Bien à vous
Louis Tourillon
Tout d'abord, mes félicitations. Votre article donne de l'espoir au Québec enlisé dans les paradigmes des années 60 et 70 alors que la planète a changé aux plans économique, social, culturel et politique.
Les syndicats ne sont pas responsables de tous les maux, plusieurs d'entre eux portent sur les responsablités des citoyens d'agir au lieu de laisser les autres (syndicats, partis politiques et autres institutions d'organisation sociale) de prendre des décisions en lieu et place, en leur nom.
Il suffirait aux citoyens de participer davantage, temps et efforts, pour faire changer les choses. Les syndicats occupent la place publique par défaut et les politiciens àplatventristes qu'on retrouve au PQ et au PLQ croient comprendre que lorsque qu'ils les rencontrent, ils sont en contact avec la population et prennent le poul de leurs préoccupations.
Le changement peut passer par une solution assez simple: que les rencontres entre syndicats et les politiciens se fassent en public et non derrière des portes closes. Si les intentions des syndicats sont nobles, alors quel serait le problème? Quand j'entend les syndicats affirmer qu'ils ne négocieront pas sur la place publique, je suis outré. Par définition, sur la place publique, on retrouve la population.
Et pourquoi une négociation des conventions collectives en direct à la télé et dans Internet ?
En attendant de vous lire de nouveau, portez-vous bien.
Bonjour M Laberge.
Toutes mes félicitations, ils est rassurant de voir que des gens sont encores capables de poser un diagnostique juste de notre société. Je partage entièrement votre point de vue et je suis content de savoir qu'il existe des "modèles" sur lesquels s'inspirer pour améliorer cette société (Ref: Angleterre).
Je vais même un peu plus loin dans cette réflexion et j'en arrive à la conclusion que: "l'enlisement" de la pensée syndicale dans les paradigmes des années 60 et 70, sera la cause de l'apauvrissement collectif du Québec.
Les états, tous commes les entreprises font face à une recherche de compétivité imposée par la mondialisation. Le Québec devient un concurrent face à l'Ontario, les provinces maritimes et les états de la Nouvelle-Angleterre dans la quête de nouveaux investissements internatiaux et de projets générateurs de richesse collective.
Un réalignement de la pensée syndicale et de notre code du travail (le retour du pendule quoi !) s'impose pour la survie du Québec. Ce n'est pas à coup de dérapage syndical comme à la Gaspésia ni à coup d'article 45 que le Québec pourra éviter son déclin éventuel à un statut de république de bananes
Rock Pinard
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